Bienvenue

Bonjour et Bienvenue à toutes et à tous sur le blog du projet "Correspondance d'Autrefois". L'aventure commence avec 23 participantes, un magnifique panel de 27 personnages et 15 passionnantes correspondances à suivre...


Au moindre soucis, vous pouvez nous laisser un message ici, sur nos blogs: Eiluned (Le Dévore Tant...) et Alice (Jane Austen is my Wonderland) ou par mail.

A très bientôt pour suivre toutes ces belles lettres...

28 mai 2011

#2 / Réponse de Penelope Halpen à Charlotte Pitt


Brighton
Le 20 avril 1882,

Ma chère Mrs Pitt,

Je vous remercie tout d'abord de votre si aimable lettre. Et s'il est vrai qu'elle m'a étonnée, il est surtout vrai qu'elle m'a ravie. Je n'ai pas eu la chance de connaître mon aïeule, elle nous a quitté avant ma naissance et je le déplore souvent car aux dires de ma mère et de certains amis de la famille, elle était une personne merveilleuse. Je vous joins donc avec plaisir un portrait de mon arrière grand-mère Beth. Ce n'est pas mon préféré mais c'est le seul qui entre dans l'enveloppe. Nous en avons plusieurs autres à la maison, elle ne refusait jamais de poser comme modèle pour les peintres en herbe.

Votre mari ne s'est pas trompé, j'ai bien un frère jumeau, Benedict. Il est plus âgé que moi de quelques minutes, et nous nous entendons à merveille. J'ai beaucoup de chance de l'avoir, c'est un garçon fabuleux, sans lui les journées me sembleraient bien tristes, et je serais ignorante dans bien des matières je pense. Mes parents sont adorables mais ils refusent de me laisser apprendre autre chose que ce qui est inscrit dans le « manuel de savoir-vivre des jeunes filles » ainsi que mon frère et moi le surnommons. Aussi, dès que nous le pouvons, mon frère et moi nous enfermons dans la bibliothèque, et il m'enseigne tout ce qu'une fille n'est pas censée savoir. Grâce à lui, j'ai appris les sciences et l'arithmétique...et l'escrime. Et d'après ses dires, je ne suis pas mauvaise.

La maison, que mon cher frère et moi avons baptisé " East Cliff ", se trouve à Rottingdean, un petit village à 3 miles de Brighton. Nous l'avons baptisée ainsi à cause de sa position par rapport à la mer et après une lecture du roman Les Hauts de Hurlevent de Miss Emily Bronte. L'avez-vous lu ?
J'ai trouvé ce roman très bien écrit, mais assez long et très sombre. Je lui ai préféré et de loin, le roman de sa sœur Charlotte Brontë, Jane Eyre. Sans doute le connaissez-vous déjà, mais si ce n'est pas le cas, je vous le conseille fortement. 

 Oh mais voilà que je m'égare ! La maison donc ! Ce n'est pas la plus grande du village, ni l'une des plus belles. Mais c'est sans aucun doute l'une des plus charmantes. Elle est toute en longueur, avec de grandes fenêtres qui laissent passer la lumière, et un admirable jardin où il fait bon passer ses journées lors des beaux jours. Mon arrière grand-père y avait installé une sorte de balançoire, et encore aujourd'hui, elle fait la joie des petits...et grands. Etait-elle déjà lorsque votre mère venait y passer l'été ? Pour ce qui est de l'intérieur, la maison comporte cinq chambres, deux salles de bains, une grande salle à manger du côté jardin, une bibliothèque qui fait maintenant aussi office de bureau et une cuisine bien évidemment. Au début, le bureau était dans une pièce à lui seul, mais mon père a préféré le déplacer dans la bibliothèque et transformer cette pièce en petit salon. Il trouvait cela plus simple et pratique de recevoir les visites dans un petit salon plutôt que dans la bibliothèque. Entre nous, je pense que c'est surtout parce qu'il avait peur qu'on ne renverse du thé sur l'un de ses précieux livres.

Ma chère Mrs Pitt, je dois me sauver. Mon frère revient à l'instant de Londres ! Venez me voir, je me ferai une joie de vous préparer un thé et des petites douceurs !

Sincères amitiés,

Penelope Halpen

25 mai 2011

Seconde lettre de Frances à Constance

                                 Ma chère cousine,

J'ai attentivement lu votre lettre, et plus particulièrement la description de ces deux soeurs que vous avez reçues en votre demeure. Bien que je n'ai auparavant jamais entendu leur nom, j'ai une foi totale en votre jugement, et j'ai peine à croire que James puisse faire un tel choix. Lorsque vous comparez ces deux jeunes filles l'une à côté de l'autre, il semble impossible de s'y tromper. Sans doute les hommes sont-ils moins prompts que nous à percevoir ces choses là. Quoiqu'il en soit, jouer les marieuses m'apparaît dans le cas présent indispensable. Je comprends parfaitement que ce rôle puisse vous paraître déplaisant, mais le bonheur de votre frère en dépend. L'union matrimoniale est une entreprise bien trop sérieuse pour prendre de tels risques et je ne cesse de me demander ce qui a bien pu motiver votre frère pour porter ses vues sur une telle créature. Sont-ils déjà officiellement engagés ou existe-t-il encore quelque espoir de lui ouvrir les yeux ? Ah, chère Constance, comme je partage vos craintes ! Que je regrette de ne pouvoir me trouver à vos côtés afin de mieux vous venir en aide. 

Vous m'interrogez au sujet de ma soeur et de son mari. Le lendemain du jour où je vous écrivis ma précédente lettre, nous reçûmes une missive de Mrs Robertson, dans laquelle elle s'excusait,  expliquant qu'elle et son mari ne pourraient voyager qu'une semaine après la date prévue, la mère de mon beau-frère étant souffrante. Nous en fûmes bien déçues, mais avons finalement pris notre mal en patience. Je vous avoue que si j'avais envie de revoir ma soeur, son époux en revanche n'excitait pas chez moi le moindre intérêt. 
Le matin de leur arrivée, j'ai immédiatement su que Mr Robertson était aussi exécrable que dans mon souvenir. Parce que Père était absent – Il en a en effet une grande peur – il s'est comporté avec plus de suffisance que je ne lui en avais vu jusque là, comme si être le seul homme présent le rendait supérieur à nous toutes. Margaret, assise à ses côtés, le contemplait avec une adoration qui frisait le ridicule. Comment a-t-elle pu accepter de s'encombrer d'un tel mari ? J'appréhende le jour où elle ouvrira les yeux sur le véritable caractère de son époux. Mais je me console en songeant qu'elle n'a jamais été d'un tempérament romantique et que la vie domestique semble lui convenir à merveille. Nous nous sommes longuement entretenues au cours de promenades quotidiennes, et elle m'a semblé parfaitement heureuse. Je regrette cependant que ses conversations ne traitent, pour la plupart, que de son époux ou de mondanités auxquelles elle participe. Est-ce là tout le bonheur auquel une femme peut aspirer une fois mariée ? Voilà qui me fait paraître mon propre avenir bien sombre.

Leur séjour parmi nous a cependant eu un avantage, celui de limiter les visites de Lord Henry et de sa chère mère. Cependant, il semblerait que Margaret se soit entendue avec notre tante Brown pour m'entretenir de ce qui pourrait être mon futur mariage ! Moi qui avait espéré que l'absence de Père m'autoriserait un peu de liberté, j'ai été bien déçue. Elle n'a cessé de me vanter les multiples avantages que l'on pourrait tirer d'une telle union. J'ai eu beau tenter de lui expliquer qu'il ne me conviendrait jamais, elle ne m'a pas écouté un seul instant. À ce propos, je vous remercie, chère cousine, de tous ces efforts que vous avez déployés pour moi. Malheureusement, j'ai bien peur qu'ils ne soient sans effet. J'ai beau me montrer réservée, et même presque froide en sa présence, il semblerait les rares fois où nous nous sommes vus, que Lord Henry ait au contraire redoublé d'attentions à mon égard. Les quelques fois où nous l'avons croisé, il aurait fallu être sot pour ne pas le remarquer. Vous devez vous douter qu'il m'est devenu difficile de jouer l'ignorance. Je sens plus que jamais que le moment où il me fera sa demande se rapproche. Mon unique consolation est de savoir Père à Londres, car il est le seul à pouvoir accorder son consentement. Mais je dois vous avouer qu'il m'arrive de plus en plus de douter de mes résolutions. Ma soeur n'aurait-elle pas raison de me suggérer ce mariage ? Après tout, comme elle le dit si bien, ma jeunesse ne durera pas toujours, et je ne trouverai guère mieux qu'un Lord. Il me semble que je m'égare et je ne sais plus que penser. Il n'y a qu'en votre jugement que je puis avoir une pleine et entière confiance. 

Je vous le confesse, en lisant votre lettre, j'ai envié ce bal si animé auquel vous avez participé. En effet, en comparaison, nos soirées semblent bien moroses, du moins de mon point de vue. Mr Robertson ne cesse de conter les moindres détails de ses affaires, espérant chaque fois faire exalter son propre mérite. Même ma tante Brown semble lasse de ses récits. Afin de nous distraire, nous avons avec Nora entrepris l'écriture d'un conte qu'elle illustre de ses dessins. Le résultat n'en sera peut-être pas digne d'éloges, mais cela a le mérite de tromper notre ennui. Quoiqu'il en soit, je suis bien désolée que votre soirée se soit avéré loin de ce qui vous avait été promis. Je suppose que lorsque l'on nous vante trop quelque chose, cela devient obligatoirement une déception. Néanmoins, il vous reste la consolation d'avoir fait de nouvelles et intéressantes connaissances.

Ma jeune soeur m'appelant pour notre promenade quotidienne, je dois à présent vous quitter, chère Constance, et j'attendrai avec impatience votre prochaine lettre.

Avec toute mon affection,

Fanny Sainsburry

Post Scriptum : En partant en promenade, j'avais laissé cette lettre telle quelle, prévoyant de la cacheter et la faire expédier après mon retour. Mais, durant cette dernière heure, il s'est produit une chose si désagréable que je ne puis résister à la nécessité de vous l'écrire. Voyez-vous, j'ai omis d'évoquer Mr Temple, un cousin de Lord Henry, dont Lady Sheldon attendait la visite. Nous ne savions que bien peu de choses à son sujet, si ce n'est qu'il se destine à entrer dans les ordres. Or, alors que nous marchions, mon chapeau fut emporté par une forte bourrasque.

Je demandai à Nora de m'attendre, et descendit parmi une rangée d'arbres pour le retrouver. Au moment où je le ramassai, j'entendis les voix de deux hommes qui marchaient dans ma direction et je reconnus l'une d'elle pour être celle de Lord Henry. J'eus alors le réflexe de me dissimuler derrière un arbre. Malgré ma réticence à écouter leur conversation, je ne pus m'empêcher de les entendre. Le gentleman qui m'était inconnu semblait assez jeune, et il ne me fallut que peu de temps pour comprendre qu'ils s'agissait du fameux Mr Temple.

Tous deux semblaient particulièrement animés, ce qui m'étonna de la part de Lord Henry, que je n'avais encore jamais entendu rire. Alors que je me décidai à faire demi-tour pour ne pas en entendre davantage, la voix du nouvel arrivant parvint jusqu'à mes oreilles, prononçant une phrase qui restera sans doute gravée dans ma mémoire et qui fut très exactement celle-ci : « Mon cher cousin, j'ai appris de source sûr que vous comptiez épouser la créature la plus maladroite d'Angleterre ! », et le tout prononcé du ton le plus badin. Lord Henry a pris ma défense, bien que mollement, et je lui en sais gré. Est-il besoin de vous dire à quel point ces paroles m'ont choquée ? Moi qui fait pourtant toujours preuve de courtoisie à l'égard de tous, je puis vous assurer que je ne me donnerai nullement cette peine avec un individu si méprisable lorsqu'il me sera présenté !

Réponse de Whilelmina Murray à Laura Woodehouse Karnstein


Ma très chère Laura,

C’est avec un réel plaisir que j’ai découvert votre lettre qui m’attendait sur la table du salon ce midi. Je rentais d’une de mes habituelles promenades solitaire le long des falaises de Whitby, que vous connaissez et appréciez aussi bien que moi je le crois, lorsque Mme Westenra m’a annoncé que l’on avait déposé un courrier à mon intention dans la matinée. La mère de Lucy ne pouvait cependant m’en dire plus sur l’expéditeur, et, en oubliant mes bonnes manières, je me suis précipitée dans le couloir qui mène de la cuisine à la salle pour satisfaire ma curiosité. Je dois cependant vous avouer que j’espérai que l’auteur de ce billet soit mon cher Jonathan, dont je n’ai eu aucune nouvelle depuis près de quatre semaines, mais une fois cet instant de rare déception terminé en constatant qu’il n’en était rien, j’ai reconnu votre délicate écriture et j’en ai immédiatement oublié ma peine. Il me tardait d’avoir de vos nouvelles, Laura! 

Je suis ravie de constater que notre présence, à Lucy et moi-même, ait pu vous apporter du réconfort et vous ait permis d’oublier quelque peu votre douloureux passé. Ne vous méprenez pas, vous avez été pour nous d’une telle agréable compagnie que nous nous sommes retrouvés quelque peu idiotes suite à votre départ précipité. Il nous a fallu trouver de nouvelles occupations. Lucy est donc tout naturellement retournée aux préparatifs frivoles de son mariage avec Arthur et moi à mes ballades sur la côte ainsi qu’a mes lectures. Sachez cependant que ces quelques lignes me rassurent car j’espérai que vos sourires n’étaient pas feints, pour nous faire plaisir ou dissimuler votre trouble au fond de vous, mais je ne pouvais en avoir la certitude avant de lire cette lettre. Vous m’en voyez très heureuse, et j’apprécie tout particulièrement que vous ayez suivi mon modeste conseil en vous demandant d’entretenir une correspondance avec moi. J’ignore si cela vous permettra de dissiper vos démons, mais sachez que je saurai vous écouter et vous comprendre, quelques soient les motifs de vos tourments. Pourtant jamais je ne vous forcerai à me dévoiler vos secrets et s’il nous faut discuter de la pluie et du beau temps pendant des mois, ce sera toujours avec une grande joie !
Mais revenons-en à votre nouvelle vie dans le Derbyshire. Selon votre description, il m’apparait que cette demeure des Hêtres Rouges est une véritable merveille. Je vous promets de venir un jour prochain, pour une visite amicale et découvrir en votre compagnie ces massifs de roses qui semblent déjà vous tenir beaucoup à cœur. J’espère également que vous pourrez vous lier d’amitié avec la fille de votre voisin au delà de vos discussions sur la botanique, car une présence féminine dans une maison d’homme, aussi bon soit-il, est toujours une bouffée d’oxygène. 

En parlant de femme, il me faut  vous révéler un problème que je rencontre depuis quelques jours et dont je ne peux dévoiler l’importance à quiconque ici, et encore moins à l’intéressée puisque j’appréhende grandement sa réaction si elle savait que j’ai bravé son interdiction d’en bavarder. Vous l’aurez sans doute compris, je voudrais vous parler de Lucy. Pas d’inquiétude cependant, notre amie est en bonne santé, mais depuis plusieurs nuits, elle souffre de somnambulisme. La première nuit que cela s’est produit, je l’ai retrouvé sur la terrasse de notre chambre à fixer la lune et sans la réveiller je l’ai raccompagné jusqu'à son lit avant de refermer la fenêtre à clé et de la passer en bracelet à mon poignet. Pourtant malgré ma vigilance, Lucy à réussi à me dérober la clé pendant mon sommeil la nuit suivante et c’est un lit vide que j’ai trouvé passé minuit. La porte de notre chambre était grande ouverte et sa robe de chambre ainsi que ses chaussons toujours posés sur le valet. Elle était donc sortie en chemise ! Vous pouvez imaginer mon angoisse. M’habillant à la hâte, j’ai découvert que la porte d’entrée de la maison était elle aussi ouverte alors que je suis certaine de l’avoir verrouillé avant de monter me coucher. En courant dans les rues ombragées de Whitby seulement éclairées par la lune, j’ai cru mourir de peur en ne la trouvant pas. Par habitude mes pas me conduisirent vers le port, où j’ai eu peur qu’elle soit tombée dans l’eau, mais c’est au sommet des falaises qu’elle m’apparut enfin. A demi allongée sur un banc, il m’a semblé voir une ombre penchée sur elle, mais ce ne devait être que le reflet de mon imagination, car quand je suis enfin arrivée auprès d’elle quelques minutes plus tard, Lucy était seule, sans aucune présence alentour. Toujours prise aux mains d’une profonde transe peu convenable, j’ai eu toutes les peines du monde pour la réveiller. Quand elle a enfin ouvert les yeux et compris où elle se trouvait, c’est avec légèreté qu’elle a pris la chose. Contrairement à moi, qui m’inquiète pour sa vie que cet état met en danger chaque nuit, Lucy ne se soucis uniquement de ce que pourraient en penser le voisinage, sa mère ou Arthur. Le somnambulisme ne menace pas sa santé directement, mais ce matin encore elle ne peut se lever tant elle est épuisée et c’est en tête à tête avec Mme Westenra que j’ai déjeuné. Elle-même est si malade que je ne peux me résoudre à lui parler des ennuis de Lucy. 

J’ignore que faire ! Pensez vous que je m’affole sans raison ? 

Je comprendrai qu’avec vos activités, mon questionnement paraisse véritablement anodin, mais il fallait que je me confie et je pense pouvoir compter sur votre discrétion. Pardonnez moi de vous avoir ennuyé avec toute cette histoire, si cela vous ennuie, ne prenez garde à cette deuxième partie de ma lettre. 

J’espère sincèrement avoir de vos nouvelles et de celles de votre père rapidement. Je vous embrasse.

Mina

24 mai 2011

Deuxième lettre d'Amelia Wilson à Fiona Finnegan

Miss Amelia Wilson
5 Bedford Square
Londres
Londres, 17 mai 2011
Dear Fiona,
Votre silence se prolonge et mon inquiétude grandit. J'espère qu'aucun malheur n'est venu obscurcir votre quotidien, que les vôtres se portent bien et que vos affaires ne vous causent point trop de soucis. Ma lecture quotidienne de la presse pour Mrs Caxton ne m'a livré aucune nouvelle alarmante vous concernant.
Je prends aujourd'hui la plume pour m'enquérir de vous, mais aussi car il me sera plus difficile de le faire dans les semaines à venir. Le séjour sur le continent évoqué dans ma précédente lettre se précise. Mrs Caxton, sa bonne et moi même quittons Londres le 20 mai, soit à la fin de cette semaine. Il est prévu que nous séjournions plusieurs jours à Paris (que j'ai hâte de découvrir) avant de nous rendre à Nice où Mrs Caxton passe chaque année deux semaines au printemps. Le courrier londonien est censé suivre outre-Manche, mais je ne sais si je serai en mesure d'y répondre avant notre retour.
Dans l'attente de quelques nouvelles,
Amelia Wilson

20 mai 2011

Première lettre de Elizabeth Lowgood à Mary Bennet



Far Abbey,
Derbyshire, Mai 18**

Ma chère Mary,
Savez-vous que votre missive a bien failli me manquer ? En effet j'étais déjà dans la voiture avec armes et bagages quand le coursier est arrivé. J'ai donc eu le plaisir de vous lire pendant le voyage de retour vers le Derbyshire.
Comme je vous l'avais expliqué lors du bal où nous nous sommes rencontrées j'étais dans l'Herfordshire en visite. L'oncle de mon frère, et le mien par la même occasion - et qui l'a adopté - m'avait invité à passer le début de l'année dans sa propriété. Je suis d'ailleurs affligée que nous n'ayons pas pu nous revoir depuis le bal, mais la société de mon oncle se dirige plus volontiers vers ses connaissances militaires que la société à laquelle j'aspire, dont la vôtre évidemment. Revoir mon frère a été cependant une immense consolation, et son absence me pèse déjà. J'aimerais tellement qu'il puisse vous visiter plus souvent ; j'ai admiré votre façon naturelle de dire le fond de votre pensée et de me confier votre amitié au premier regard. J'aimerais tellement faire de même avec mon oncle, lui dire que si Raphael venait plus souvent vous voir, il ne l'en aimerait pas moins.

Je ne sais si je vous l'avais appris, mais le domaine de l'époux de votre soeur ainée (Elizabeth), Pemberley, se trouve à quelques 20 miles de la maison de mon père. Aussi, si vous aviez le plaisir de faire un séjour chez elle nous pourrions profiter de notre société mutuelle ?

Cela ne fait que quelques jours que je suis à la maison, et pourtant j'ai déjà fait une visite et prévus un petit après-midi de distraction avec ma nouvelle voisine. Je suis certaine que vous la trouveriez charmante. Laura Woodehouse Kanstein revient d'un an en Italie après avoir quitté sa Styrie natale avec son père, sa seule famille. Elle est d'un naturel calme et d'une agréable conversation ; je suis certaine qu'elle sera d'une excellente compagnie lors de bals ou d'autres évènements de société.

Je vous prie de croire Mary, que je vous suis attachée et que je suis honorée de l'amitié que vous me portez et que j'aimerais vous le rendre le mieux possible.

Ma lettre vous semblera peut être courte, mais ma modiste vient d'arriver et il s'agit du dernier essayage, je ne peux donc pas la faire attendre plus longtemps. J'espère que la présente vous trouvera en bonne santé, vous et votre famille.

J'attand avec impatience votre prochaine lettre.

Votre dévouée. Elizabeth Lowgood.

19 mai 2011

Première lettre de miss Mary Bennet à miss Lowgood.


Le 6 avril 18**
Chère Elizabeth,
Sachez que je suis encore toute bouleversée par notre rencontre, il y a quelques mois au bal que ma soeur Jane donna. J'étais seule, la danse n'est pas pour un plaisir et il n'y avait dans la salle, personne avec qui j'aurais pu engager une conversation intéressante. Mes sœurs mariées causaient ensemble de leur toilette, de leur demeure, de leur équipage ou que sais-je encore ? Ma soeur Kitty riait aux éclats tout en dansant. Je ne l'ai pas vu une seule fois se reposer ou prendre un toast. Elle ne me prêtait pas attention ; une semaine durant je ne lui ai ni fait la lecture ni aidé dans sa toilette. Elle en fut embarrassée. Son désir de prendre époux est-il donc si grand ? J'espère grandement qu'elle ne se montrera pas aussi sotte que Lydia. Mais revenons au bal. Je sirotais mon breuvage en observant tout ce beau quand vous vous dirigeâtes vers moi. Quelle ne fut pas ma surprise qu'une jeune personne s'intéresse à moi ! Vous êtes arrivées comme un pétale de rose sur une nappe blanche. Oh, Elizabeth nous nous ressemblons tellement, nos goûts et nos désirs sont les mêmes. Au cours de cette soirée nous n'avons guère eut le temps de faire suffisamment connaissance, aussi, au travers de cette lettre j'essaierais de me présenter à vous de la manière la plus sincère.
Comme vous le savez déjà, j'ai dix huit ans. Je m'intéresse à la philosophie et à la littérature. Je passa aussi beaucoup de temps à jouer du piano, je ne suis pas mauvaise. J'ai toujours été quelque peu écrasée par mes sœurs, bien qu'elles ne le firent pas consciemment j'en suis certaine. Elles sont simplement bien plus jolies et charismatiques que moi ; mon caractère effacé et mes manières timides n'ont fait qu'accentuer ma transparence auprès des autres.
J'aime la nature et dés que j'en ai l'occasion je vais me promener. Que sont les hommes comparés aux rochers et aux montagnes ? Ma mère monopolise toute mon attention depuis que trois de mes sœurs sont établies, si bien qu'il ne me reste que peu de temps pour vaguer aux occupations que j'affectionne. Il me tarde que mes sœurs organise un nouveau bal auquel elles vous convierait. Il n'est pas dans mes habitudes d'attendre un bal, mais le fait que l'on puisse à nouveau se voir et converser me comble de joie. Répondez-moi très vite, je meurs d'impatience de vous découvrir un peu plus. N'oubliez pas les détails bien sûr. Pour terminer, n'oubliez pas ceci. Vous êtes l'une des seules personnes en ce monde à qui je puisse me confier pleinement.
Bien à vous,
Mary Bennet.

17 mai 2011

Première lettre d'Amelia Wilson à Fiona Finnegan (extraits)


Miss Amelia Wilson
5 Bedford Square
Londres
Londres, 14 avril 1899
Dear Fiona,
(…) Grâce aux bons offices de vos employés britanniques, j'ai obtenu votre adresse new-yorkaise, à laquelle j'écris aujourd'hui. (…)
Voici trois mois que je ne suis plus au service des Montgomery. Vous vous souvenez sans doute du jeune James, sans cesse pendu à mes jupes au Savoy, ce gentil monsieur de cinq ans à peine. J'ai le regret de vous annoncer qu'il nous a quittés en janvier dernier. Une pneumonie l'a emporté en moins de trois semaines. J'ai eu le cœur brisé par cette tragédie, autant que s'il eut été mon propre fils. J'ai pris alors conscience qu'il m'était trop douloureux de continuer à prendre soin d'enfants, craginant sans cesse qu'il ne leur arrive quelque malheur. Il était préférable que je donnasse mon congé. Une de mes tantes m'a convaincue de me présenter auprès de Mrs Jane Caxton, qui cherchait à remplacer sa dame de compagnie. (…)
Promenades, lecture de journaux, d'ouvrages pieux ou de poésie, rédaction de sa correspondance, il faut qu'à toute heure de la journée je sois présente à ses côtés. Sa compagnie et sa conversation sont agréables, mais ses multiples et intarissables exigences ont parfois tendance à m'épuiser. Sa curiosité pour les nouveautés musicales ou picturales me permet bien des découvertes, et participe de l'achèvement de mon éducation. Sa soif de voyages promet de belles escapades, comme celle qui s'organise pour le mois de mai en Provence. Je vais ainsi franchir la Manche pour la première fois de ma vie et je m'en fais une joie. (…)
Bien à vous,
Amelia Wilson

15 mai 2011

Première lettre de Mrs Bennet à Mrs Jennings

Pemberley,
Le 8 mai 1811


Ma chère Mrs Jennings,

Quelle ne fut pas mon heureuse surprise de recevoir votre lettre peu de temps après mon arrivée à Pemberley.
Je me désole d'avoir dû vous quitter si vite mais Elisabeth étant arrivée presque à son terme, mes pauvres nerfs n'auraient pu supporter de se trouver loin d'elle dans un tel moment. Le médecin pense que l'enfant devrait bientôt être là, ce ne serait qu'une question de jours.
Par ailleurs, je serais ravie de rencontrer vos chères filles et leurs compagnons dans un futur certain. Pauvre Mrs Palmer, comme elle doit avoir de solides nerfs, si son époux ressemble à mon cher mari. Qui d'ailleurs n'a aucune pitié pour mes pauvres nerfs, parfois je crois qu'il prend plaisir à me torturer.

J'espère pouvoir revenir auprès de vous rapidement, et vous présenter ma petite Lizzy et son mari, le bougon mais très fortuné Mr Darcy. Je dois avouer que malgré ses airs taciturnes et ses remarques mal venues, c'est un très bon parti. Et surtout j'espère vous faire rencontrer mon adorable Lydia et son délicieux mari Mr Wickham qui sans vouloir faire son éloge est une personne adorable. Ils nous ont promis de venir nous rendre visite lorsque le régiment prendra ses quartiers d'été à Brighton.
J'en viens au point de ma lettre qui présente le plus grand intérêt. Dans votre lettre vous avez dit si peu sur le sujet que cela en devient une torture, j'espère que vous ne prenez nul plaisir à cela. Dites-moi tout à propos du cousin du Colonel Brandon et du neveu de Mr Palmer ! Comment s'appellent-ils ? Sont-ils de bons partis ? Est-ce que le neveu de Mr Palmer a le même caractère que son cher oncle? Est-ce que le cousin du Colonel est aussi fortuné que lui? Et ont-ils tous deux de bons caractères?
Je vais cesser mes questions mais je souhaiterais avoir tous les détails, car à mon plus grand regret je ne peux les rencontrer pour l'instant, mais fort heureusement je vous ai vous, ma chère Mrs Jennings, et vous avez mon entière confiance. On le sait, vos talents de marieuse ne font nul doute.

Pardon d'avoir mis tant de temps à répondre, mais j'étais préoccupée par quelques affaires importantes, j'espère que vous m'en excuserez.

Mes sincères amitiés à votre famille et mes filles.

Votre amie dévouée,
Mrs Bennet




11 mai 2011

Première lettre de Cinnamon Strong à Mary Bennet

Peacington, le 03 mai

Chère Mary,

Je m’empresse de reprendre la plume pour répondre à votre pli enjoué qui me fit tant plaisir !
Votre passion pour la musique transcende vos pages et rejaillit sur Peacington. D’ailleurs depuis peu les filles se sont ardemment mises à la pratique du piano-forte, surtout Lizzie. Quel bonheur !

Je suppose que depuis votre dernière lettre vous avez donné le récital dont vous m’entreteniez. Comment était-ce ? Quel accueil a reçu votre prestation ? Que j’aurais aimé entendre de nouveau votre musique !

J’espère que vous pourrez nous rendre visite et nous donner la joie de vous entendre jouer.

Pour ma part ces dernières semaines ont été très éprouvantes en raison de la maladie de Mr Fairmore et du départ de miss Scoldy ! Mais laissons là les tracas.  Miss Beaming m’a fait la joie de me ramener de Londres un ouvrage fort intéressant, une pièce de théâtre espagnole d’un certain Calderón, La vie est un songe. Je vous la conseille vivement : cette œuvre m’a fait penser à vous et nos discussions philosophiques sur les songes. J’espère que vous pourrez en trouver une copie traduite et que vous m’entretiendrez de cette lecture si d’aventure vous vous la procurerez!

Je ne sais si vous êtes au courant mais Mr Fairmore a reçu la visite de votre sœur Elizabeth et de son mari. Une visite fort agréable !

J’espère que cette courte lettre trouvera la plus douée des musiciennes de Longbourn en excellente santé. Je ne puis malheureusement vous écrire plus longuement car me voilà bien débordée en cette semaine. Sachez que je me rattraperai dans mon prochain pli !

Bien affectueusement,

Cinnamon Strong

 

6 mai 2011

De Mrs Jennings à Rose...

Berkeley Street, le 4 Mai


          Chère Miss Rose,


   Vous avez fort bien fait de prendre la liberté de m'écrire. En effet, notre chère Dorothy, qui cuisine pour moi depuis treize ans déjà, doit malheureusement se résoudre à quitter Londres dont l'atmosphère viciée par le fog ne convient guère à sa santé. L'air de Peacington, en revanche, lui serait fort bénéfique d'après le docteur Norton et je pense qu'elle donnerait toute satisfaction à la famille Fairmore. Je suis moi-même fort gourmande, je dois vous l'avouer, et me suis toujours vantée d'avoir d'excellentes cuisinières, vous pouvez donc rassurer votre amie Miss Strong quant aux compétences de Dorothy, qui, de son côté, serait ravie d'accepter le poste. D'après ma bonne amie Mrs Cauffield, les Fairmore sont des gens charmants et je ne doute pas que Dorothy se sentirait fort bien au service d'une telle famille. D'après Mrs Cauffield, Mr Fairmore a eu récemment des ennuis de santé, et j'espère que la cuisine roborative de Dorothy contribuera à le remettre sur pied.

   Vous le voyez, chère petite, vous adresser à moi était une excellente initiative. Vous me permettrez, j'espère, de vous appeler ainsi car j'ai l'impression de vous connaître un peu, vous et votre famille, votre chère Miss Bishop ayant beaucoup parlé de vous à ma Dorothy. Vous ne manquerez pas de féliciter votre soeur Victoria pour ses fiançailles. D'après ce que j'en ai entendu dire, le jeune homme est un très bon parti, et ce qui est plus important encore, possède un excellent caractère. J'ai également appris par Dorothy votre mésaventure avec un monsieur indélicat. J'espère que vous ne me jugerez pas excessivement indiscrète d'évoquer ce triste épisode, c'est ma chère Dorothy qui me l'a rapporté, sans que je ne lui aie rien demandé, je vous l'assure, mais il faut le dire, Dorothy, bien qu'une excellente domestique a tous égards, a le petit défaut d'être fort bavarde, défaut que je lui ai toujours volontiers pardonné: on pardonnerait bien pire, sans aucun doute, à qui fait un aussi délicieux pudding aux raisins!

   Pour en revenir à votre affaire, ma chère petite, je sais bien que cela ne sert à rien de parler et que je n'ai pas à m'en mêler, mais je puis m'empêcher de trouver bien abominable la conduite de certains jeunes gens d'aujourd'hui.La charmante Mrs Brandon, une de mes jeunes amies que j'ai connu alors qu'elle n'était que Miss Dashwood, a eu à souffrir d'un certain jeune homme qui s'est abominablement conduit avec elle, mais par chance, elle a fini par épouser mon cher ami le Colonel Brandon, dont j'avais toujours pensé qu'il ferait pour elle le meilleur des maris, et je dois dire qu'ils semblent tout à fait se convenir.

   Je ne doute pas que vous aussi, chère petite, vous finirez, jolie comme vous êtes, par trouver un jeune homme distingué et digne de vous épouser. C'est en tous cas  ce que je vous souhaite de tout coeur.


       Votre dévouée,
       Prudence Jennings

Lettre de Rose à Mrs Jennings


Eccleston Square, le 27 avril

                              Chère Mrs Jennings,

   J’espère que vous me pardonnerez la liberté qui je prends en vous envoyant cette note alors que nous nous connaissons si peu mais notre amie commune m’assure que votre plus grand plaisir est de venir en aide aux autres. Je sollicite donc votre aide aujourd’hui au nom d’une amie très chère, Mrs Cinnamon Strong, pour une affaire domestique qui lui cause bien des tracas. Elle est, à ce jour, gouvernante chez les Fairmore de Peacington et recherche activement une cuisinière sérieuse pour cette famille. Sachant que la votre se voit forcée de quitter Londres pour des raisons de santé et cherche actuellement un poste à la campagne, je me suis permise de lui recommander de prendre contact avec vous pour obtenir ses références. J’espère ne pas m’être montrée trop entreprenante et si vous vous demandez comment j’ai pu être au courant de cette situation, sachez que notre cuisinière, Miss Bishop, n’est autre que la sœur aînée de la votre.
   Je reste, Madame, à votre disposition pour toute question que vous auriez sur la famille Fairmore.

                                                                                                                     Rose Knight

De Rose à Cinnamon

                                                                                         
    Eccleston Square, le 27 Avril

               Ma très chère Cinnamon,

               Que de beaux souvenirs votre lettre m’a rappelée avec bonheur, me faisant par la même sentir à quel point votre correspondance m’a manquée et à quel point je souhaite vous revoir au plus vite. J’aimerais tant être auprès de vous aujourd’hui mais maman ne veut pas en entendre parler alors même que la saison bat son plein. Je pourrais trouver à m’y réjouir, car vous savez comme j’aime les bals, si seulement le tout Londres n’essayait pas de me marier à tout prix. De plus, maman me mène une vie impossible depuis l’épisode de Mr. John Sneakton sur lequel, vous vous en doutez, elle n’a pas le même avis que vous, bien que mon petit stratagème ait clairement mis ses faiblesses en lumière. Et pour ne rien arranger, Victoria vient de se fiancer. Ne vous méprenez pas, je me réjouis pour elle, d’autant que son fiancé, un certain Mr. Rushworth, est extrêmement riche et que c’est tout ce qui a jamais intéressée Victoria, mais vous savez comme moi l’impression que donne le mariage d’une sœur plus jeune de trois ans. Certaines amies de mère parlent de moi comme si j’étais déjà une vieille fille et Louis me taquine et m’assure qu’il sera ravi de m’accueillir chez lui lorsqu’il prendra épouse. Comme s’il avait la moindre intention de se marier pour le moment !  Bien que je n'ai aucune prétention de changer le monde, je suis parfois affligée de la façon si différente avec laquelle l’on nous traite alors même que nous sommes jumeaux.
               Peyton quant à elle se porte for bien et vit sa première saison avec beaucoup d’excitation comme vous pouvez l’imaginer. Je me suis beaucoup inquiétée pour elle au départ. J’avais peur que sa trop grande gentillesse ne lui joue des tours et je me persuadais déjà que le rôle de chaperon était le seul qu’il me restait à jouer mais il semblerait que l’ont ait même pas besoin de moi pour cela. Je fus au comble de l’horreur lorsque je vis Mr. Sneakton oser s’approcher d’elle pour l’inviter à danser mais Peyton est finalement bien plus mûre et bien moins naïve que ce qu’elle laisse paraître. Après avoir acceptée son invitation, elle dansa si mal et se débrouilla si bien qu’il fut obligé de lui écraser les pieds à plusieurs reprises. Lorsque la danse fut achevée, elle le remercia poliment et le pria de ne plus l’inviter à l’avenir car, bien qu’elle prit grand plaisir à danser avec lui, elle n’était pas sûre que ses pieds puissent en supporter davantage. Vous imaginez son humiliation et ma fierté ! Qui aurait pu imaginer que la douce Peyton puisse se montrer si impertinente ! Je pense que cette fois Mr. Sneakton ne viendra plus se frotter à une fille Knight de si tôt ! Heureusement, maman n’en a rien su mais au sourire de père en fin de soirée, je ne peux que supposer que l’incident a été largement commenté aux tables de jeu. Depuis cette soirée, aucun autre incident n’a eu lieu et Peyton réserve maintenant la plupart de ses danses à un jeune Lieutenant Price qui ne plait pas beaucoup à maman, mais à moi, si. Quant à moi donc, je désespère de faire de nouvelles rencontres et de trouver un jour un bonheur tel que le votre, même s’il fut de courte durée.
               Ah ma tendre amie, comme la vie me semble encore plus injuste lorsque je pense à vous et aux malheurs qu’elle a infligés à une personne si douce. Je suis ravie que vous n’ayez plus à supporter les perfidies de Miss Scoldy mais je me dois cependant de déplorer la charge supplémentaire de travail que cela vous donne. Mon unique consolation est d’avoir l’assurance que vous le faites pour une famille si bonne et qui vous aime tant. Je suis d’ailleurs ravie d’apprendre que Mr. Fairmore se porte mieux et je suis tout aussi heureuse de vous apporter peut-être une solution à votre problème. Miss Bishop, notre cuisinière, me disait hier encore que sa jeune sœur, également cuisinière de talent, supportait très mal l’air de Londres et que, pour le bien de ses poumons, elle cherchait une place à la campagne. Elle occupe actuellement une très bonne place chez Mrs Jennings, à Berkeley Street, Londres. Cette dernière sera, j’en suis sûre, prête à se porter garante pour elle, car Mrs Jennings à toujours à cœur d’aider les autres bien qu’elle déplorera sûrement dans ce cas de perdre une si bonne cuisinière. J’espère que cela vous sera utile.

               Vous verra-t-on à Londres cette saison ? J’aimerais tant vous voir ainsi que votre fille. Je ne m’étonne point qu’elle aime la peinture et cela me rappelle les longues heures durant lesquelles vous m’obligiez à poser pour vous lorsque nous étions enfants. Des souvenirs de pur bonheur ! Mais la jeune Lizzie possède-t-elle la même patience et la même docilité que moi ? J’en doute. Je suis cependant enchantée que votre fille ait une telle compagne et je me réjouis que mes partitions soient en de si bonnes petites mains.
               Je suis également heureuse d’apprendre que vous avez trouvé Mrs Darcy en bonne forme, cela fait si longtemps que nous ne nous somme vues. Il semblerait que Mrs. Bingley se trouve justement à Londres en ce moment en compagnie de sa jeune sœur Kitty. Nous n’avons pas encore eu la chance de nous croiser mais j’espère que l’occasion se présentera.
               Père vous envoie ses plus tendres souvenirs et me charge de vous dire qu’il est heureux de savoir que vous avez trouvé aujourd’hui un bonheur et un équilibre relatif compte tenu des circonstances. Vous savez qu’il vous considère comme sa propre fille et il espère qu’à l’avenir, vous n’hésiterez plus à faire appel à lui en cas de problème. Permettez-moi de vous dire à mon tour, et j’espère que vous ne me trouverez pas trop impertinente, que je vous souhaite aussi de retrouver le bonheur conjugal tel que vous l’espérez pour moi.
               Quant à Louis, il est bien possible que vous ayez de lui des nouvelles plus récentes que nous puisqu’il séjourne actuellement chez l’un de ses amis qui est, je crois, votre voisin. J’espère qu’il n’a pas manqué à tous ses devoirs en ne vous rendant pas visite, mais connaissant son affection pour vous, cela m’étonnerait.

               Voilà, ma tendre Cinna, tout ce que j’avais à vous raconter et j’attendrai avec impatience de vos nouvelles.

                                                                                                                      Rose Knight

5 mai 2011

Seconde lettre de Mademoiselle Beaulieu à Mademoiselle de Gabeni




La Valette, le 30 avril 1835

Chère Mademoiselle de Gabeni,

Me voici de retour dans la demeure familiale, après un rapide voyage chez mon oncle bien-aimé, le frère cadet de feu ma mère, dont l’Abbé Verneuil vous a peut-être parlé. J’ai dû m’absenter en urgence, appelé par la gouvernante d’Oncle Louis, qui s’inquiétait fort de sa santé. Il faut dire que le pauvre homme, bien qu’encore peu âgé, est déjà bien fatigué par la vie. Il faut avouer aussi qu’il a sans doute, comme on dit, brûlé la chandelle par les deux bouts. En effet, infatigable voyageur, ne tenant pas en place, curieux de tout, avide de rencontres et de découvertes, il a passé la plus grande partie de sa vie dans des contrées lointaines, et notamment en Egypte, pays dans lequel il a vécu de nombreuses années, à exercer divers métiers et commerces, puis comme assistant du professeur Champollion, avec lequel il a participé à la grande aventure du déchiffrage des hiéroglyphes. La mort de Champollion il y a trois ans l’a fortement abattu, de même qu’une autre disparition, une femme qu’il aurait aimée là-bas, et avec laquelle il aurait vécu hors liens du mariage.

Fort heureusement, il n’allait finalement pas si mal que cela et nous avons donc passé beaucoup de temps à trier ses papiers, classer ses archives, et parlé de sa vie, et de la mienne. Peut-être savez-vous par l’Abbé que c’est chez lui que je me réfugiai l’année dernière, quand mon avenir me semblait si noir et bouché. Ce fut lui aussi qui me fit entendre raison après mon escapade, et qui raconta à ma famille une version des faits qu’ils étaient capables d’entendre… Il me sauva donc la mise, et la réputation, à défaut de pouvoir changer le cours de mon existence. J’ai donc pour lui un attachement infini et une reconnaissance éternelle, car je suis certaine qu’un autre que lui se serait donné à cœur de salir ma réputation s’il avait su les détails de ma fuite…

Bref, me voici de retour, le cœur léger de le savoir en bonne santé, et d’avoir pu discuter de longues heures avec lui. J’ai tendance, voyez-vous, à écouter et suivre ses conseils, même s’il faut dans le cas présent que je me fasse violence.

Mais je m’égare et je m’épanche alors que nous ne nous connaissons pas encore, cela est tout à fait incorrect de ma part, et ne fait pas partie de mes usages, croyez m’en ! Il faut dire que votre lettre, charmante et fort bien tournée, m’a tout de même plutôt surprise et même un peu inquiétée… Je ne doute pas un seul instant de la discrétion de l’Abbé Verneuil, qui, en tant que mon confesseur, a bien évidemment eu le récit de toute l’affaire (bien qu’à mes yeux, il n’y ait pas vraiment eu « faute », mais c’est plutôt ce qu’en dirait l’opinion et le qu’en dira-t-on qui cataloguerait les faits comme une faute, encore faudrait-il que ceux-ci soient au courant de tout !).

Non, ce qui m’inquiète, ce sont plutôt ces rumeurs dont vous parlez, et qui plus est, seraient allées jusque dans votre lointaine contrée ! Fasse le ciel qu’un jour les nouvelles ne circulent pas plus vite que les hommes, à la vitesse de la pensée, ou pourquoi pas celle de la lumière ? Que deviendrions-nous donc ?

Je pensais mon secret bien gardé, mais n’est-ce pas le lot de tout secret d’être répété… Je vais donc, même si nous n’avons à ce jour pas eu l’occasion de faire connaissance, devoir vous dévoiler un peu de mon histoire, afin que l’opinion que vous vous ferez de moi se base sur des faits précis, tels que je les ai vécus, ressentis, plutôt que sur des racontars malfaisants.

En effet, votre seule lettre me porte à vous accorder mon amitié et ma confiance, de même que vos derniers mots : ainsi, vous auriez souffert autant que moi !

Commençons donc par le commencement. Depuis ma tendre enfance, j’ai passé de nombreuses heures à jouer, puis à travailler sous l’œil sévère de précepteurs, avec le fils de notre jardinier allemand, Johann. Nous avions le même âge et, lorsque nous étions enfants, rien ni personne ne pouvait nous séparer. Cependant, en grandissant, mes parents, et notamment ma mère, commencèrent à trouver cette amitié déplacée. Impossible pour eux d’admettre qu’une jeune aristocrate continue à frayer avec le fils d’un domestique, aussi bien élevé et charmant soit-il. Ainsi sont, et vous devez le savoir autant que moi, les traditions de notre milieu qu’il est difficile, voire dangereux d’enfreindre.

Mais j’étais jeune, et têtue. Aussi Johann et moi continuions à nous voir, en cachette cette fois-ci. Nous pouvions passer des heures à parler de nos lectures, de ce qu’on m’enseignait (car lui avait dû cesser de participer à mes cours pour apprendre le métier de son père), de nos désirs, de l’avenir qui s’ouvrait à nous, et que, dans notre innocence, nous imaginions aisé et heureux… Nous avions pris l’habitude de converser en allemand et c’est ainsi que je devins totalement bilingue en un temps record. Ce qui éveilla la curiosité mauvaise de mon frère, qui nous espionna et rapporta derechef à ma mère nos rencontres secrètes, en ajoutant sans doute quelques détails de son cru, puisqu’elle entra dans une colère noire et que je fus dans la semaine envoyée dans un pensionnat pendant que Johann était renvoyé dans sa famille, au pays.

C’était sans compter sur la solidité de nos liens et, grâce à la complicité d’une femme de chambre, nous pûmes échanger des lettres, qui, vous vous en doutez, devinrent, du fait de l’éloignement et du manque que nous avions l’un de l’autre, de plus en plus tendres… Nous planifiâmes de nous revoir en cachette. Mon bon oncle Louis me servit d’alibi, à son insu et Johann et moi nous retrouvâmes dans la belle ville de Lyon, atteinte après maintes péripéties.

Mais mon frère, encore lui, soudoya je ne sais comment notre entremetrice secrète (ou la menaça, je ne sais) et révéla aussitôt à mes parents toutes les lettres reçues que je croyais bien cachées, et aussi la date et le lieu de nos retrouvailles programmées. Et c’est ainsi qu’au soir de notre première journée lyonnaise sur les trois prévues, nous fûmes attendus devant l’auberge que Johann avait choisie par mon père et mon frère. Notre jardinier fut renvoyé illico et je fus ramenée, désespérée et en larmes, pour être enfermée à La Valette comme une criminelle.

Un choix me fut proposé : devenir derechef la dame de compagnie d’une vieille parente, que je détestais, ou bien accepter avec reconnaissance le mariage qu’on me proposait. C’est à cette période que je me réfugiai chez mon oncle bien aimé, qui ne me tint pas rigueur de l’avoir abusé, et qui me conseilla de me soumettre en acceptant le mariage, dans lequel, m’assurait-il, je pourrais trouver certainement certains agréments, voire de la félicité, et tout du moins plus de liberté qu’en tant que dame de compagnie. C’est à cette époque également que mourut ma mère, avant que nous n’ayons pu nous réconcilier…

Et c’est ainsi qu’on me fiança (me vendit ?) à un certain Rodolphe, industriel du Nord, que je dois à mon grand désespoir épouser cet été…

Mais je parle, je parle, et ne vous ai même pas confirmé l’accord de mon père pour céder à la Comtesse de Mervent les ouvrages qu’elle souhaite. Les documents nécessaires seront prêts sous peu. J’implore votre pardon pour m’être ainsi épanchée si longuement et j’ose croire que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. Pardonnez aussi cette missive bien peu présentable… Et recevez mes salutations les plus cordiales.

Dans l’attente de vous lire,

Aliénor Beaulieu






Seconde lettre de Constance Montgomery à Frances Sainsburry


Ma très chère Fanny,

Votre lettre m’a plongée dans l’angoisse. Aussitôt, j’ai imaginé les plans les plus décousus pour essayer de vous sauver de la piètre situation dans laquelle vous êtes. J’ai expressément demandé à père que vous veniez passer quelques temps à Londres avec moi, et j’ai eu beau me montrer la plus aimable et la plus convaincante possible, allant jusqu’à dire qu’avec vous, les bals me seraient très attrayants (imaginez jusqu’où j’étais prête à aller !), rien n’ y a fait.

Je suis désolée de vous dire que j’y vois là l’œuvre de nos deux pères réunis. Ils se sont, semble t-il, unis en une association de circonstance que je qualifierais de malfaiteur s’ils n’étaient pas des gentlemen, pour nous conduire tout droit vers le lieu maudit qu’est l’autel ! Moi qui me réjouissais d’avoir revu mon oncle, voila que ma joie est bien gâchée. J’ai bien sûr était ravie de le voir en bonne santé, et de pouvoir lui remettre quelques présents pour votre sœur et vous, mais je déplore qu’il s’entende si bien avec père au sujet du mariage.

Après ce premier plan sans succès, je me suis renseignée sur votre fameux lord Henry, et je crains qu’il ait une réputation sans tâche. Mais ne vous inquiétez pas, Edward et Nathaniel s’allient à notre cause, l’un par amitié, l’autre par ennui, et ils vont tenter d’enquêter un peu plus en profondeur si cela est possible.

J’ai également imaginé que nous aurions pu faire courir des rumeurs sur vous, ou sur votre prétendant, mais dans les deux cas, les conséquences pourraient être fort fâcheuses. Si elles étaient sur vous, vous vous seriez privée de la possibilité, certes réduite, de faire un mariage d’amour, et si elles portaient sur Lord Henry, et que ce jeune homme s’avère vraiment n’être qu’ennuyeux et compassé, ce serait peut être trop cruel envers lui. J’avoue que je suis très honteuse de ne pouvoir vous aider davantage, mais nous autres femmes avons les mains liées…

J’en viens à l’autre point qui a retenu mon attention dans votre charmante lettre. Votre sœur aînée. Je n’avoue avoir que peu de souvenirs d’elle puisqu’elle était bien souvent absente quand je vous ai rendu visite. Néanmoins, je m’étonne des banalités que vous a révélées sa lettre. Aurait-elle quelque chose à vous cacher ? Essaierait-elle de vous ménager en ne vous parlant que de choses du commun ? J’espère que tout cela ne cache pas un malaise profond, et que votre sœur n’est pas non plus devenue une personne sans intérêt qui ne parle que de fêtes et de banalités dans ce genre. Son séjour vous en apprendra plus sur la question, le doute n’est pas permis, et peut être que sous couvert de passer plus de temps avec votre soeur vous pourrez échapper un peu à votre prétendant.

Mais voici la partie de la lettre qui me répugne le plus. Parler d’Emily. Vous savez que je devais rencontrer la possible fiancée de James.

Je la recevais pour le thé, dans le petit salon que nous réservons aux amis les plus intimes, et elle vint accompagnée de sa sœur cadette Iris.

Je vous brosserais d’abord un portrait physique des deux demoiselles avant de vous parler de leur caractère. Emily est une délicate et frêle créature aux cheveux blonds et bouclés, et aux joues artificiellement roses.(Quand je l’embrassais, j’éternuais à cause de l’odeur poudrée qui se dégage de son visage) Elle a la taille très fine, et à la difficulté qu’elle avait parfois à respirer, je soupçonne qu’elle porte son corset trop serré par coquetterie. Elle semble affectionner les tenues très élaborées, et sa robe croulait tellement sous les fanfreluches que s’en était presque indécent. Ses poses sont affectées, elle use souvent d’un éventail malgré la fraicheur de la saison et il n’y a rien de naturel en elle. Chacun de ses mouvements est dûment pensé, réfléchi, et je l’imagine très bien s’entraîner devant le miroir jusqu’à parvenir à un résultat satisfaisant.. Il y a quelque chose de très vain qui se dessine de sa personne, et si les hommes doivent volontiers succomber, je gage que toute femme un peu subtile devine rapidement son caractère (Dois-je préciser que mon frère me déçoit?). Sa sœur, elle, est une très jolie fille, pas d’une beauté commune certes, mais ses cheveux châtains ont de jolis reflets blonds, elle a les yeux plus bleus qu’Emily et son visage est tout en douceur. Plus discrète dans son habillement elle est néanmoins élégante et raffinée. Ses manières sont franches, mais aimables, et elle semble être plutôt accomplie, bien que j’apporte peu d’importance à la capacité de broder divinement bien ou d’être virtuose au piano.

De par ma description, vous aurez tout de suite compris quelle sœur des deux je préfère. J’ai tout de suite adopté Iris, que j’aimerais avoir comme amie, mais pour Emily, c’est une autre histoire. Elle ne s’est jamais enquis de mon frère et quand il est venu nous faire une petite visite, c’est le visage d’Iris qui s’est illuminé, et non celui de sa sœur. Je soupçonne que l’intérêt d’Emily soit purement stratégique, et au vu des relations froides que j’ai cru deviner entre elles deux, elle doit ajouter un peu de méchanceté envers sa sœur en conquérant mon frère. Si Iris n’était pas intéressée par James, il me semble qu’Emily ne le serait pas non plus. Bref, l’avoir comme belle sœur me semble impossible, et je vais m’efforcer d’ouvrir les yeux de James là-dessus.

Peut être ais-je la fâcheuse manie de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais je ne voudrais pas que mon frère, une fois marié, se rende compte qu’il a épousé la mauvaise sœur, et qu’il soit malheureux toute sa vie. James est un homme trop entier et honorable pour tromper sa femme, qui qu’elle soit, et je crains qu’il se dirige vers une vie amère s’il continue dans cette voie. Voilà que je vais bien être occupée ces prochains jours, entre me soucier de vous et de Lord Henry, et tenter de ramener mon frère à la raison… En outre, puisque ma mère n’est plus de ce monde, et malgré le fait que mes frères soient plus âgés que moi, je me sens le devoir de jouer son rôle auprès d’eux.

Comme je le craignais, avec mon retour à Londres, je me dois d’assister à des bals, et comme la saison vient de reprendre après la pause pascale, j’ai fait mon entrée dans le monde. J’avais été présentée il y a quelques mois à la cour, mais j’avais jusque là eu le privilège d’éviter le reste des mondanités grâce aux événements que je vous contai dans ma première lettre.

Pour mon premier bal, père m’a remis les bijoux de mère, et à voir son air si ému, je n’ai pas pu m’empêcher de me promettre de bien me comporter cette fois au moins. Aussi ais-je été la plus sage et la plus obéissante des filles. Je me suis laissé habiller et coiffer comme une poupée par ma domestique, et j’ai suivi sans rechigner mes frères et leurs amis, tandis que Père, qui ne goûte pas les mondanités, nous regardait partir avec émotion. Suis-je aussi horrible que cela en ne voulant pas lui faire plaisir et en aspirant à vivre ma vie comme je l’entends ? Je me demande parfois si je ne suis pas un monstre d’ingratitude.

Les amis de mes frères sont à leur image, ceux de James sont sérieux et désireux de fonder une famille, et ils n’ont pas passé la soirée entre notre compagnie, ceux d’Edward sont plutôt infréquentables, ou du moins, m’a-t-il dit « Je vous estime trop ma chère sœur pour laisser un de ces goujats vous approcher . » Je crois qu’ils doivent être débauchés… Non, de tous les gens que je côtoyais, j’appréciais le plus la compagnie de Miss Saint James et de son frère William, le meilleur ami de Nathaniel. Miss Saint James est une lettrée, et ne fréquente les bals que pour, selon elle, étudier le comportement de ses contemporains. Quant à son frère, il est réservé, mais aimable et intéressant, et m’a traité comme si j’étais un vieil ami, et non pas une jeune fille à marier, ce que j’apprécie tout particulièrement. Nous avons eu des conversations passionnantes sur les romans à la mode, et sur la bêtise de certaines règles de la société.

Pourtant, il a bien fallu que je danse, et mon carnet de bal fut bien vite rempli, à mon grand étonnement. Il semble que l’attrait d’une nouvelle personne, même à Londres qui regorge de jeunes filles esseulées, soit des plus forts. Aussi, ais-je subi les ineptes conversations qui semblent être le commun des danseurs, et ait fait la connaissance de beaucoup de célibataires en mal d’épouses. Je songe à écrire à ma tante de venir avec ses filles, elle devrait trouver facilement à les marier, et avoir encore plus de concurrence me serait un plaisir certain.

Voilà ma chère cousine, j’ai vécu les vertiges d’une soirée, et je crains de vous dire que je ne suis pas digne d’une héroïne et que nul jeune homme n’a fait la conquête de mon cœur. Ils se ressemblent tous à mon sens. Discutant de choses insipides, faisant des compliments dénués de sincérité et tournés toujours pareillement, à croire qu’ils sont tous sortis du même moule… Je suis un peu déçue je crois, et je dois paraître bien amère, mais il me semble qu’une infime partie de moi espérait quelque chose de cette fameuse entrée dans le monde dont on me parlait tant.

Alors certes, je n’ai pas eu l’occasion de fréquenter tous les Lords de Londres, et comme me l’a dit Iris, à qui je racontais le lendemain ma déconvenue alors que nous nous promenions au parc, il me reste encore beaucoup de familles avec qui lier connaissance. Cette fille me semble être une grande naïve dans l’âme, et m’a dit être persuadée que chacun a une personne qui lui est destinée. Pense t-elle que James l’est pour elle ? Je n’ose lui poser de questions à ce propos, mais je me suis promis si cela se révèle être vrai, de tout faire pour qu’il finisse par l’aimer en retour.

Me voilà prête à jouer les marieuses, moi qui ait toujours méprisé celles qui le font ! La vie vous joue des tours bien pendables…


Je vous abandonne sur ces mots, chère Fanny, en souhaitant que ma lettre vous trouve, vous et vos proches, en parfaite santé.


Avec toute mon affection,


Constance.