Bienvenue

Bonjour et Bienvenue à toutes et à tous sur le blog du projet "Correspondance d'Autrefois". L'aventure commence avec 23 participantes, un magnifique panel de 27 personnages et 15 passionnantes correspondances à suivre...


Au moindre soucis, vous pouvez nous laisser un message ici, sur nos blogs: Eiluned (Le Dévore Tant...) et Alice (Jane Austen is my Wonderland) ou par mail.

A très bientôt pour suivre toutes ces belles lettres...

22 avr. 2011

Première lettre de Gabrielle Penillwater à Evelyne Naleskini


Bellevue Hospital Center

462 First avenue

New York, 10016

Infirmière : G. Penilwater

A l’attention de Melle

Evelyne Irena Maria Naleskini

New York, le 14 avril 1804,


Je vous écris pour ordre de Monsieur Naleskini, votre cousin. Voici quelques mots qu’il voudrait vous adresser :

« Ma très chère Evy.

Comme tu peux t’en douter, la bataille m’a causé grand dégât puisque je ne puis prendre la plume moi-même pour t’écrire cette lettre. Je te rassure, je ne suis pas agonisant, mais il s’en est fallu de peu que je passe l’arme à gauche. Une balle m’a traversé le corps et une fièvre maligne m’a empêché de recouvrer la santé et mes dons scripturaux.

Des jours que je dépéris dans cet hôpital sans qu’une âme charitable ne me nourrisse d’autre chose que cet infâme brouet !

Je te laisse à tes occupations bucoliques, l’aide-soignante lève les yeux au ciel et soupire d’agacement. Pitié ! Viens-moi en aide !

P.S : pourrais-tu m’envoyer du thé ? Ici ils ne nous servent qu’un breuvage infecte.

Ton cousin adoré. L. »


Mademoiselle Naleskini,

Je me permets de prendre la suite de votre correspondant et ce afin de donner quelques précisions sur son état de santé.

Votre cousin a été admis, il y a cinq jours seulement, pour une blessure légère à l’épaule. Il ne peut en effet pas vous écrire lui-même car son bras est immobilisé. Quant à la fièvre, une simple jaunisse l’a rendu irascible et insupportable aux yeux de mes compères infirmières. Pour ma part, je pense qu’il ennuie ainsi, à devoir rester alité (c’est le règlement de notre institution, tout patient doit rester sous contrôle).

Cinq jours longs et pénibles, voilà ce que nous avons dû toutes endurer. Et les médecins se refusent à lui donner des calmants. Seules les lectures journalières dans la salle des blessés légers semblent lui apporter de la joie.

Voilà que je suis mauvais langue ! Votre cousin ne fait pas toujours le bougon ! Il aime jouer des tours. Dernièrement il a fait croire à ses voisins de lit qu’il était mourant, tout ça pour avoir leur part de brouet (celui-là même qu’il a décrit comme « infâme ») !

Je lui fais donc la lecture tout les jours (sauf le mardi, où je n’officie pas) pour soulager mes amies infirmières. En effet, j’ai la chance d’avoir pu apprendre à lire et écrire assez bien pour pouvoir soulager mes collègues du travail fastidieux pour elles du courrier aux familles. Mon seul problème c’est qu’il faut toujours que je m’implique dans ces lettres. Nombreuses sont celles qui sont parties couvertes de mes larmes, annoncer la mort d’un père ou d’un fils.

La guerre est la chose la plus répugnante qu’il m’est été donné de voir. Fort heureusement il existe des hommes comme votre cousin pour venir nous prêter main forte dans cette période de trouble.

Notre président, Thomas Jefferson, a été l’un des rédacteurs de notre constitution, ce qui fait de lui un homme totalement respecté. Mais la Louisiane a apporté son lot de rebelles armés. Je ne dis pas qu’ils ont tort, non. D’ailleurs, le président les pousse à la révolte en conservant ses idées esclavagistes. Je parle, je parle ! Mais en Europe aussi vous avez eu des combats sanglants ! Qu’en est-il pour vous ?

Je vous laisse, j’ai d’autres malades (un peu moins exigeants) à soigner.


Post-scriptum : votre cousin m’a demandé de vous envoyer un morceau de son uniforme, tâché, venant de la manche que nous avons dû découper pour atteindre sa blessure.

Au sourire qu’il a eu en me demandant cela, j’ai supposé que c’était une plaisanterie de sa part et je ne l’ai pas glissé dans l’enveloppe.

Si vous voulez la recevoir, je m’en excuse. Faites-le moi savoir et je vous l’enverrai.

Si je ne me suis pas trompée, vous n’avez qu’un mot à écrire et je remplacerai le sirop de maïs par du sel dans son brouet.

Je vous prie de croire, mademoiselle, en l’expression de mes respectueuses salutations.


Gabrielle Penilwater



21 avr. 2011

Réponse de Frances Sainsburry à la lettre de Constance Montgomery

                                                                                                    
                                                                                                                                            Samedi 16 avril,


                                                                                                                                                         
                                       Ma chère Constance,


           Votre lettre m'a tout d'abord emplie de la joie d'avoir de vos nouvelles, avant de me faire trembler à l'idée du mal qui vous a atteinte.Comme j'eus souhaité être auprès de vous ! Fort heureusement, vous voilà guérie, et rien ne pourrait me soulager davantage.
           Sachez avant toute chose que votre requête sera obéie, et que je ferai en sorte que ma lettre soit aussi longue que possible. Je ne puis m'empêcher tout d'abord, de vous exprimer la surprise ressentie à l'annonce des prochaines fiançailles de mon cousin. Lui se marier, et surtout, si rapidement! Je vous avoue avoir quelques difficultés à l'imaginer. J'espère de tout cœur que cette demoiselle s’avérera digne de lui, et je compte sur vous pour m'en brosser le plus fidèle portrait dès que vous aurez fait sa connaissance. 

         Vous vous enquérissiez de ma famille, et j'ai le plaisir de vous assurer que nous sommes tous en excellente santé. Père est malheureusement en séjour à Londres pour ses affaires. Il espérait en partant avoir le loisir de venir vous visiter. 
         Cependant, si le temps venait à lui manquer, veuillez l'en excuser, chère cousine. Durant son absence, ma tante Brown, sœur de feu ma mère, gère le domaine tout en gardant un œil sur nous. Ma jeune sœur a atteint il y a peu l'âge de treize ans, et bien qu'elle ait encore grandi, il m'est difficile d'imaginer la jeune fille qu'elle promet de devenir. A mes yeux, elle ne devrait toujours être qu'une enfant. A présent que les beaux jours sont arrivés, nous passons la majeure partie de notre temps en promenades à travers la campagne, ou en excursions en compagnie de nos voisins. Je souhaiterais que vous fussiez là, le Devonshire est si plaisant lorsqu'il est sublimé par le soleil ! Depuis quelques jours, des hordes de papillons colorés ont envahi les massifs autour de la maison. Nora a insisté jusqu'à ce que j'accepte d'en capturer un pour elle, et le place dans un bocal.
        Malheureusement, il n'a pas survécu plus de quelques heures, et la pauvre enfant en a versé des larmes amères durant deux jours entiers.
        Peut être vous demanderez vous si j'ai reçu des nouvelles de ma sœur ainée Margaret depuis son mariage avec Mr Robertson. Une missive nous est en effet parvenue, il y a de cela une semaine. J'avais espéré que cette lettre rapporterait ses impressions et sentiments, qu'elle nous décrirait du ton le plus fidèle sa nouvelle vie de jeune épouse. Mais je n'y ai lu qu'une liste des équipages qu'elle et son mari possèdent désormais, ainsi que celle des réceptions et des bals à venir. Figurez-vous la déception qui fut la mienne, devant une correspondance aussi vaine que l'homme qu'elle a choisi comme époux. Je l'avoue, je n'ai eu que peu d'occasions de le rencontrer, mais il m'a chaque fois paru si fat et suffisant que j'en ai immédiatement eu la plus déplorable opinion. Ma tante Brown, à qui j'ai fait part de mon avis, m'a jugée bien sévère. Elle, au contraire, ne cesse de couvrir ce jeune homme d'éloges, sans doute parce qu'il a du bien, et est issu d'une famille des plus respectables.
       J'ai donc fait la promesse de réserver mon jugement en vue de notre prochaine rencontre. Les jeunes mariés doivent en effet venir nous rendre visite dans une semaine, et je tâcherai de vous en rapporter le moindre détail.

      Que je partage votre inquiétude quant à l'engagement marital que l'on semble nous inciter à prendre ! Voyez-vous, ma chère cousine, je me trouve à présent dans une situation des plus inconfortables. 
      Vous m'interrogez dans votre lettre sur l'existence de nouvelles relations. Je sais, bien sûr, notre société bien moins variée que celle dont vous devez jouir à Londres. Néanmoins, une maison non loin de la notre a été louée il y a de celà un mois, par une veuve, Lady Sheldon. Une rumeur selon laquelle elle s'y installait avec son fils, Lord Henry, nous est rapidement parvenue.
       Il était décrit comme un jeune homme de vingt-quatre ans, ayant hérité d'une fortune conséquente, aux manières aussi délicates et raffinées que sa physionomie. Je ne me fiai guère à de tels discours, songeant qu'un titre de noblesse, ainsi que de nombreux biens, embellissent davantage une figure que bien d'autres qualités. Le lendemain de leur arrivée, Père leur a rendu visite, comme il convient.
      Quelques jours plus tard, nous reçûmes une invitation à une réception qu'ils donnaient. Je dois vous avouer que j'étais bien curieuse de faire la connaissance de ce jeune Lord dont on m’entretenait avec tant d'éloges. Je n'ai cessé de m'en imaginer divers portraits. 
      Il m'a tout d'abord paru être un hôte attentionné, d'une politesse parfaite. Cependant, il semblait si gouverné par le poids des convenances que son attitude manquait de ce naturel qui fait le charme d'une nouvelle connaissance. J'eus deux ou trois fois l'occasion de converser avec lui, et ne put en tirer que banalités et lieux communs. Nous eûmes à diverses reprises l'occasion de nous revoir, et chaque entretien me confirma ces impressions. Ses opinions étaient dépourvues à mes yeux de la moindre fantaisie, et parfois si rigides que je ne sus si je devais en être épouvantée ou amusée.

      Vous vous dites sans doute que je m'égare. J'en viens, chère cousine, au point qui me tourmente.
Voilà deux semaines à présent que je n'ai pu m'empêcher de remarquer la singularité du comportement que Lord Henry adoptait à mon égard. Il m'apparut qu'il ne semblait pas uniquement prendre du plaisir à ma compagnie, mais la rechercher. Quelques jours me suffirent pour m'assurer de la préférence qu'il semblait m'accorder, malgré la bienséance avec laquelle il agissait, cette inclination devint évidente pour tout oeil averti. Ma tante Brown elle même le remarqua, et n'a depuis de cesse de me pousser à l'encourager.
      Cependant, je ne puis décemment lui obéir. Vous savez que je n'ai jamais connu ce sentiment que l'on appelle amour, et que je doute parfois de son existence même. Mais, en ce qui concerne Lord Henry, je n'ai pas le moindre doute. Si je peux accepter sa société, sa compagnie m'est parfois à peine supportable. Comment pourrais-je épouser un homme pour qui je n'éprouve nulle affection?
      Certes, me direz vous, il ne s'est pas déclaré. Pourtant, depuis le jour où j'ai compris ses vues, je redoute qu'une telle chose se produise et trouve mille excuses pour éviter sa compagnie. Je sais cependant que je ne pourrai affecter l'ignorance bien longtemps.  
      Je me trouve dans un grand embarras, et vous supplie, ma chère cousine, de m'éclairer de vos conseils. Vous êtes la seule à qui je peux me confier au sujet de cette affaire.
  

      Soyez assurée de toute mon affection, envers vous ainsi que vos parents et frères.

                                                  Votre dévouée cousine et amie,


                                                                                                        Fanny Sainsburry.

19 avr. 2011

Première lettre d'Elinor Ferrars à Elizabeth Bennet









Barton Cottage, avril

                Ma très chère Lizzy,

   Je suis impardonnable de n’avoir donné aucune nouvelle récemment mais je garde tout de même l’espoir que vous ne serez pas trop fâchée contre votre vieille amie. Depuis la naissance de notre petit Charlie, j’ai eu tant de choses à faire et tant à m’émerveiller que j’en suis arrivée à mettre de côté même les activités qui me tiennent le plus à cœur, telle notre si précieuse correspondance. Et voilà que plus d’une année s’est déjà écoulée. 

   Je suis impatiente d’avoir de vos nouvelles et de connaître toutes les histoires de Meryton et de Longbourn. Tout le monde se porte-t-il bien ? Continuez-vous toujours vos longues balades dans la campagne que nous aimions tant partager autrefois ? Je n’ai pas entendu parler d’un homme chanceux qui aurait épousé l’esprit le plus vif de toute l’Angleterre mais qui sait ce qui a pu se passer au cours de toute une année. Je chéris cependant l’espoir que vous n’auriez pas laissé passer un tel évènement sans m’écrire tout en souhaitant que vous trouviez rapidement un aussi grand bonheur que le mien.

   Vous serez heureuse d’apprendre que Charles court déjà partout et qu’il donne des ordres aux poules avec beaucoup d’aplomb pour son jeune âge ! Edward est très apprécié de sa paroisse et prend son travail très à cœur. Je l’aide bien sûr du mieux que je peux en rendant visite aux personnes malades et aux plus démunis.

   Quant aux autres, tout le monde se porte for bien. Marianne et le Colonel sont partis pour Paris. Je vous laisse imaginer dans quel état d’excitation elle se trouvait. Et pour ne rien arranger, elle a emmené avec elle Margaret, qui est maintenant une belle jeune fille de seize ans et qui, si l’on en croit Marianne, reviendra certainement fiancée à un Comte ! Comme vous le voyez, si Marianne s’est assagie et est aujourd’hui aussi heureuse que l’on peut l’être auprès du Colonel, elle n’en a pas tant changé que cela pour autant. Et je dois avouer que bien que j’aime toujours autant ma vie ici et le calme de la campagne, il m’arrive parfois d’envier ma sœur, son caractère passionné et sa vie si trépidante. Après avoir toujours été raisonnable par le passé, j’apprends à m’accorder plus de libertés maintenant que nos plus gros ennuis sont derrière nous.

   J’essaie de rendre visite à ma mère aussi souvent que possible pour qu’elle ne se sente pas trop seule et elle est toujours ravie de voir Charlie. Elle semble cependant supporter sa situation à merveille et je la trouve la plupart du temps d’excellente humeur. Elle est aussi plus encline qu’avant à se mêler à la société et contre toute attente, passe beaucoup de temps chez les Middleton, avec Mrs Jennings. Marianne, si elle était là, dirait sûrement que notre mère doit être bien désespérée pour apprécier cette compagnie mais personnellement, je me réjouis qu’elle ait une amie à qui parler.

   Mais il s’est passée ici des choses bien plus étonnantes encore ma chère et je suis sûre que vous seriez bien en peine de deviner qui nous a rendu visite la semaine passée. Alors qu’Edward était en visite chez l’un de ses paroissiens, quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître, dans la cour de notre cottage, un magnifique équipage avec à son bord nulle autre que Mrs Ferrars. Elle s’est montrée égale à elle-même, s’est très vaguement excusée de ne pas nous avoir informé de sa visite qui se serait décidée au dernier moment semble-t-il, quoi que tout en me donnant l’impression que j’aurais pourtant du l’anticiper. Elle a ensuite demandé, que dis-je, exigé d’être présentée au petit Charles qu’elle n’avait toujours pas vu depuis sa naissance. Elle l’a regardé sous toutes les coutures sans même daigner le prendre dans ses bras, a déclaré qu’il avait un air de son défunt mari, parut satisfaite et s’en alla comme elle était venue, sans plus de cérémonie et sans ajouter un mot. Puisque je ne vous ai jamais rien caché et que vous êtes informée de tout ce qu’il a pu se passer, vous imaginez aisément ce qu’a pu m’inspirer cette visite. Edward a paru presque choqué lorsque je la lui ai relatée et nous nous interrogeons tous deux sur sa signification et les répercussions éventuelles que cela pourrait avoir dans le futur. Vous n’êtes pas sans savoir non plus qu’Edward avait été gracieusement pardonné mais la façon dont sa famille continuait à me traiter comme une intruse parmi eux avait fini par avoir raison de sa patience et nous ne les avions guère revus depuis. Peut-être qu’être la mère du nouveau Charles Ferrars me vaudra à l’avenir plus de considération et sera l’amorce d’une réelle et complète réconciliation. Pas que je l’attende pour moi, je me passe très bien de fréquenter sa famille comme vous vous en doutez, mais je l’espère néanmoins pour Edward car, bien qu’il n’en dise jamais rien, je sais que ces évènements l’ont peiné et à quel point il souffre de la situation actuelle. Peut-être ne savez-vous pas que Lucy, après plus de deux ans de mariage, n’a toujours pas eu la joie de devenir mère et je pense que c’est en partie à cela que nous devons cette visite impromptue. Il semblerait que Mrs Ferrars commence à s’inquiéter sérieusement du fait que Robert n’ait toujours pas d’héritier et, selon Mrs Jennings, de ce que la bonne société londonienne commence à s’interroger de ne pas voir le petit Charles traité comme l’héritier légitime qu’il est. Nous attendons avec impatience de savoir ou cela va tous nous mener.

   Je vous en prie, chère Lizzy, écrivez-moi vite et ne m’épargnez aucun détail de ce qui fait votre quotidien et votre bonheur afin que j’ai l’impression de le partager un petit peu avec vous.

Votre affectionnée,
Elinor Ferrars





 
 


 

Première Lettre : Laura Woodehouse Karnstein à Whilelmina Murray.



Les Hêtres Rouges, 12 avril 18**

Chère miss Murray,

Ces quelques semaines passées en votre compagnie furent les plus heureuses de mon existence depuis un an. Vous et miss Westenra avaient été d’une exquise patience et indulgence à mon égard et je crains fort de ne pas en avoir été digne. Je sais de part mon père et ma propre observation que ma timidité naturelle peut sembler de la froideur, et que ma nervosité peut troubler. Je n’ai pas toujours été sujette à ces accès de peur subite, et un rien peut me faire sursauter à présent. Avoir passé un an en Italie au calme m’a beaucoup aidé, mais effacer des accès de terreur et de mélancolie si profonds nécessitent une plus longue convalescence.

Je vous ai déjà confié à demi-mots que quelque chose était arrivé en Styrie (mon pays de naissance), mais je n’ai pas osé aller plus avant. Non pas que j’ai le moindre doute en votre discrétion et votre amitié. Mais la nature même de l’expérience que j’ai fait dans en ce pays ne permet pas de la faire accepter ni comprendre aisément. Vous m’avez encouragé à vous écrire afin que je puisse me confier plus facilement et qu’ainsi mes accès de nervosité disparaissent, et je vous en remercie. Mais je ne me sens pas le cœur de replonger immédiatement dans le souvenir de cette période. J’espère que votre patience coutumière et votre admirable caractère sauront s’accommoder de mes manies et de ma réserve.

Mais à présent passons au deuxième objet de ma missive, qui est le récit de ce qui m’est arrivé après mon départ de Whitby voilà une semaine.

Comme vous vous en souvenez certainement, mon père arriva au soir du 3 avril et je repartis avec lui le lendemain après avoir reçu l’assurance de votre amitié. Il nous fallu deux jours pour gagner le verdoyant Derbyshire, et quelques heures de plus pour atteindre Fawfieldhead qui est le plus gros bourg à quelques 20 miles à la ronde, le plus important ensuite étant celui de Lambton.

Les Hêtres Rouges, la propriété dont mon père à hérité, est un vaste domaine comprenant une petite forêt et deux étangs. Mon oncle était semble-t-il un chasseur qui entretenait ses terres en ce sens ; mon père n’est pas friant de chasse, mais il envisage de continuer à les entretenir afin que nos voisins proches puissent profiter du gibier.

La demeure elle-même est de belle taille ; trois étages et un corps de bâtiment principal prolongé par deux ailes perpendiculaires de plus modestes proportions. Mes appartements se trouvent au deuxième étage de l’aile ouest et j’en suis pleinement satisfaite. Vous vous souvenez sans doute des lettres que mon père m’envoyait pendant que je séjournais à Whitby, et dans lesquelles il me questionnait sur mes gouts en matière d’ameublement. Tout a donc été fait selon mes désirs ; ma chambre à coucher est peinte d’une couleur claire, un blanc cassé, le mobilier est de teinte similaire et un petit bureau, où j’écris à présent cette lettre, est positionné face à une grande fenêtre à l’ancienne mode donnant sur le parc de la propriété. Les massifs de roses que ma tante entretenait, m’a-t-on dit, ne sont plus qu’un souvenir, mais mon père m’a assuré que le jardinier allait se procurer des plants et en reprendre la culture. Je serais ravie d’en faire des croquis quand elles seront en fleurs. La fille de notre voisin le plus proche, Miss Elizabeth Lowgood, semble très versée en botanique. Lors de sa visite de présentation, elle m’a assurée qu’elle pourrait m’aider à m’occuper de cette tâche. Je dois bien avouer que c’est une charmante personne. Vive et enjouée, elle n’en a pas moins des manières parfaites et n’est pas affectée. Elle est également friande de jeux de mots et m’a invité à jouer aux charades la semaine prochaine. Elle est dotée de la légèreté qui me manque et j’aimerais suivre son exemple.

Mon père me fait prévenir à l’instant que le pasteur de Fawfieldead est venu présenter ses respects et il faut que je passe une autre tenue. Je vous laisse donc sur ces quelques lignes ma chère miss Murray, et vous adresse, à vous et à miss Westenra, mes plus tendres pensées.


Laura Woodehouse Karnstein.