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Bonjour et Bienvenue à toutes et à tous sur le blog du projet "Correspondance d'Autrefois". L'aventure commence avec 23 participantes, un magnifique panel de 27 personnages et 15 passionnantes correspondances à suivre...


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A très bientôt pour suivre toutes ces belles lettres...

25 janv. 2012

Sixième lettre de Fanny à Constance



Ma très chère cousine,

Je tiens tout d'abord à vous souhaiter tout le bonheur possible pour cette nouvelle année. Il me faut ensuite vous prier de bien vouloir me pardonner de ce long silence. Comme vous le savez, mon père organise chaque année une réception durant les fêtes de Noël. Ma Tante Brown ne m'étant pas d'un grand secours pour ce genre de choses, j'ai dû en prendre en charge l'organisation seule, ce qui a occupé tout mon temps et m'a considérablement épuisée. Ensuite, ce n'est plus l'occupation, mais la peine qui m'a empêchée d'écrire.
Avant de vous raconter quels furent les derniers événements, il me vient l'envie de vous gronder d'être sortie si souvent sans prendre la moindre précaution ! Je suis bien heureuse de vous savoir guérie et j'espère que vous prendrez davantage soin de vous à l'avenir.
La suite de votre lettre m'a peinée, mais aussi mise en colère. Comment cet homme ose-t-il se comporter de la sorte ? Concentrer ses attentions sur une personne pour ensuite se tourner vers une autre ! Comment peut-on faire preuve de tant d'inconstance ? D'après le portrait que vous m'en aviez fait, j'avais eu de lui une impression favorable et je suis d'autant plus déçue de sa conduite. Mais surtout, je lui en veux terriblement de vous avoir ainsi causé de la peine. Si je le pouvais, je lui ferais volontiers part de tout le mépris qu'il m'inspire (bien que mon père ne me pardonnerait sans doute jamais une telle conduite). Je sais à présent que l'amour est une bien étrange maladie, et j'aimerais avoir le pouvoir de vous en soulager.
Ma dernière lettre était sans doute bien pessimiste, heureusement, celle-ci apporte de meilleures nouvelles. Comme je vous l'ai dit, j'ai été chargée d'organiser notre réception annuelle pour les fêtes de Noël. À cette occasion, j'ai envoyé des invitations à tout le voisinage, y compris à Lady Sheldon et Lord Henry. Je m'attendais, bien entendu, à un refus. J'avais tort, ils ne se donnèrent même pas la peine de répondre. Ce comportement, dont eurent vent nos voisins, a profondément choqué. De la froideur à mon égard se comprenait, mais une attitude d'une telle impolitesse envers mon père, homme respecté dans tout le voisinage, constituait une offense propre à choquer. Alors que j'avais dû subir des commérages bien désagréables, je devins soudainement un objet de compassion. Tous se mirent à soutenir que j'avais eu bien raison de refuser un homme si peu délicat. Même l'attitude de Père s'est radoucie à mon égard.
Ce soudain revirement de situation devrait me ravir. Et pourtant, je ne parviens pas à me montrer gaie. Vous êtes suffisamment éclairée sur l'état de mon cœur pour en connaître la cause, chère Constance : il s'agit bel et bien de Mr Temple. À la minute où j'appris son retour, je fis de mon mieux pour éviter de me retrouver en sa présence. Cette attitude était lâche sans doute, mais je craignais sa réaction et n'avais pas le courage de l'affronter. Malheureusement, le sort fut contre moi, car alors que je me rendais chez l'une de nos voisines, malade, afin de lui apporter nourriture et réconfort, je le trouvai justement chez elle. L'heure qui suivit fut parmi les plus embarrassantes de toute mon existence. Je n'osais le regarder et j'imagine qu'il était aussi embarrassé que moi. Enfin vint le moment de prendre congé et il se proposa de me raccompagner, proposition que j'acceptai alors que j'étais pourtant décidée à la décliner. Nous commençâmes par échanger des banalités, puis la conversation dériva vers les raisons de son absence. Il m'avoua que sa jeune sœur était tombée amoureuse d'un homme de mauvaise vie et s'était laissée convaincre de s'enfuir avec lui. Fort heureusement, il avait pu empêcher un tel drame de se produire. Je lui promis de ne rien dévoiler à son cousin ou à sa tante et fus touchée par une telle marque de confiance. Mais à vous, chère cousine, je sais que je peux me dévoiler en toute sûreté. Il a ensuite évoqué le sujet que je redoutais tant. Je suis bien heureuse qu'il n'y ait eu d'autre témoin à cet instant, tant j'étais mortifiée. Il m'assura que j'avais eu raison de ne pas accepter sa main si cela était contre ma volonté et contre mes sentiments. J'en fus si heureuse que je ne m'offusquai nullement qu'il m'ait appelée par mon prénom.
Mais ce bonheur fut de courte durée. Car il ne peut décemment épouser la femme qui a rejeté un membre de sa famille, du moins tant que celui-ci n'a pas trouvé un nouvel objet d'affection. Il se refuse à un tel geste. Je devrais l'en blâmer, mais pour mon malheur, je ne l'en estime que davantage.
Il changea de comportement à mon égard. Ce fut particulièrement notable le soir de la réception. Pour compenser l'impolitesse de sa tante et de son cousin, il avait répondu favorablement à notre invitation. Mais alors qu'auparavant il se montrait amusant et même plaisantin envers moi, il fut ce soir-là distant, se contentant de faire preuve de la politesse exigée dans ces circonstances. Une fois il fit un geste pour saisir ma main alors que nous étions seuls, mais y renonça finalement.
Il a quitté la région après la nouvelle année, retournant à ses fonctions. J'ai beau me dire qu'il me faut me résigner, je ne parviens pas à retrouver ma légèreté d'antan et je crains que mon cœur n'ait que trop souffert. Toute idée de mariage me semble aujourd'hui inenvisageable. Mais ne vous en faites pas Constance, tôt ou tard, je me porterai mieux, avec le temps.

J'espère que vous vous portez bien et que votre maladie n'est plus qu'un mauvais souvenir.

Avec toute mon affection,

Fanny.

24 janv. 2012

Sixième lettre de Constance à Frances


Ma très chère Fanny,

Comme mon cœur a saigné en lisant votre lettre… Je n’ai pas eu le droit de faire sa lecture tout de suite, ayant été encore une fois très malade. Je crains que mon entêtement à sortir tête nue dans le jardin ne me perde un jour.

Je ne peux que me féliciter que vous ayez repoussé Lord Henry, même si votre père comme le mien, frémirait en lisant ces lignes. Mais vous ne pouviez décemment pas épouser ce malotru. Car il a bien révélé sa vraie nature maintenant que vous l’avez repoussé, et votre vie avec lui n’aurait pas été très heureuse. Non, vous avez bien du courage ma chère, et je vous admire pour cela !
Reprenez courage, si Mr Temple a quelque affection pour vous, il saura voir votre honnêteté derrière ce refus de vous marier, et n’en sera que plus charmé par vous, j’en suis sûre.

En ce moment, je me réfugie dans les préparatifs de mariage de James et de ma chère amie. J’ai hâte qu’elle devienne ma sœur. Il n’y a guère que cela qui en ce moment me donne du baume au cœur. Vous allez vous demander pourquoi, et il me sera difficile de vous expliquer sans paraître ridicule.

Je vous avais parlé du Duc de Dorset, et de mon incapacité à savoir comment agir avec lui. J’avais commencé par être naturelle, mais voyant que le tout Londres avait les yeux rivés sur lui, j’ai décidé de m’éloigner, trop tard sans doute. Je crois pouvoir vous avouer sans me tromper que je suis bel et bien amoureuse, et furieuse de l’être !
Oui furieuse, parce que je me suis éprise du mauvais homme.  Croyez-vous qu’il aurait été marri que je cesse de rechercher sa compagnie ? Point du tout, il est tombé dans les filets d’Amelia Winston, une blonde fade et tout ce qu’il y a de plus comme il faut. A côté j’ai l’air d’une créature du diable, ou presque. Je plaisante, mais je me sens bien blessée. Tellement que j’en aurais fait des bêtises, je le crains, si je n’étais pas opportunément tombée malade.

Quand je parle de bêtises, elles ont une personnification qui prend la forme d’un Vicomte, cousin d’un ami de James, qui allie charme et humour, et qui est aussi frivole qu’il est beau. Brun, aux yeux d’un bleu sans nuage, il a une mâchoire décidée et un nez aquilin. Toujours tiré à quatre épingles, ses costumes sont du meilleur goût, et de la dernière mode. Il n’est pas en reste quant aux potins, mais cache derrière tout ce tapage, un sens très prononcé pour la littérature et les arts. Bref, il n’a que le défaut de ne pas être le Duc de Dorset, et de ne pas faire battre mon cœur.
Durant toute ma maladie, il m’a fait porter de bien jolis bouquets de fleurs et des livres, quand il ne venait pas lui-même me faire la lecture. La raison voudrait que je succombe à sa délicieuse cour, et peut être le ferais-je. Après tout, mon béguin stupide pour le duc passé, il ferait un délicieux mari, et ce ne serait pas du tout une mésalliance. Mais pourtant, je me suis promis que si je devais me marier, ce ne serait que par amour…
Que faire ? Quelle idée ais-je eu en me mettant en chasse de mon mystérieux sauveur ! Il n’y a bien que dans les romans que l’héroïne finit par se marier avec celui qu’elle aime.
Je devrais peut être tenter d’écrire, et essayer de vivre de ma plume. Ou m’enfuir, que sais-je, partir je ne sais où et devenir gouvernante.
Je délire, chère cousine, mais je trouve la vie si injuste parfois…
Je vous abandonne sur ces paroles, je dois prendre le pâle soleil de Londres en me promenant, pour soigner mes poumons.

                                                                                              Affectueusement,
                                                  Constance.

Troisième Lettre de Lizzy à Elinor

         Ma très chère Elinor,
   J'ai tant de choses à vous dire que je sais par où commencer... Je tenais tout d'abord, à m'excuser d'avoir mis tant de temps à répondre à votre missive, décidemment, nous somme toutes deux de bien piètres correspondantes, du moins par l'assiduité!
   Je vous imagine encore à Mansfield Park, goûtant le calme d'une demeure heureusement éloignée de votre belle-mère. Quelle odieuse créature! Savez-vous qu'elle me fait penser à quelqu'un? A mon avis, elle serait très amie avec Lady Catherine de Bourgh, si elles étaient du même rang. Qu'est-ce que votre mari a dit de cette sinistre idée? J'ose espérer qu'il est plus que jamais décidé à se tenir éloigné de sa famille, même si son bon coeur doit souffrir de cela. Il doit penser à vous avant tout.
   Quant à Margaret, je suis bien heureuse qu'elle trouve un peu de réconfort dans la compagnie de Sir Bertram, il ne faut jamais se précipiter pour juger quelqu'un et peut-être que sous ses apparences un peu légères, il cache un tempérament bon et profond, comme semblent le dire les derniers paragraphes de votre lettre.
   Votre soeur est de toute façon bien jeune, et je crois qu'elle a le temps de s'amuser un peu, avant de s'attacher. Que son coeur reste léger, et qu'elle oublie bien vite les mésaventures de son amie Charlotte.
   Quant au monstre qui a brisé le coeur et l'honneur de cette pauvre jeune âme, il en existe bien trop comme lui de par le monde, vous et moi le savons pertinemment.
   Par où commencerais-je maintenant? Sachez que mon inconstante de soeur, Lydia, est désormais Mme Wickham, et qu'elle et son mari sont loin de nous, et que nous nous en portons tout à fait bien. Mère a paru inconsolable au départ, Lydia était, je le crains, sa préférée, mais maintenant elle a fort à faire, et bien d'autres choses à préparer... Vous me dites que vous avez entendu des rumeurs, déjà? Je commencerais par vous parler du bonheur de ma très chère Jane, qui est la plus heureuse des femmes désormais, ou presque. Elle est fiancée à Mr. Bingley, et ils forment le plus touchant et naïf couple qu'il m'ait été donné de voir. Père clame à loisir qu'ils vont se faire duper par tous leurs proches, et leur maisonnée, et Mère répète avec joie le montant de la rente de son futur gendre. Mes parents ne changeront jamais, et je les aime pour cela.
   Quant à moi, je dois mon bonheur à la tante de Mr Darcy, et à une visite nocturne qu'elle nous fit. Mais je vais un peu vite dans mon histoire. Il faut que vous sachiez Elinor, que non seulement je m'étais fourvoyée au plus haut point sur cet homme, mais qu'en plus, ce fut grâce à lui que ma soeur et Wickham furent trouvés! Ce fut lui qui convainquit l'ignoble ravisseur d'épouser sa proie. Moyennant finances, car sinon, aurait-il été assez bête pour épouser une file sans bien, lui si amoureux de l'argent?
   Oui, ma famille doit beaucoup à Mr. Darcy. Toujours est-il que sa tante, je ne sais pour quelle raison, s'est mise en tête que je voulais épouser son neveu, et est venue, au beau milieu de la nuit, m'arracher la promesse que je laisserais Mr Darcy épouser sa soi-disant promise, la fille de Lady Catherine...
   Je n'ai pas pu promettre Elinor, et comment l'aurais-je pu? Alors que mes sentiments avaient changé, et que je me trouvais alors au désespoir d'aimer cet homme que j'avais tant haï! Et ce fut ma franchise, mon caractère opiniâtre, qui furent pour une fois les déclencheurs de mon bonheur.
   Oui, je suis fiancée et bientôt mariée. Peut-être me ferez-vous le bonheur d'assister à la cérémonie, ou de venir nous voir ensuite à Pemberley? Vous ne pourrez pas ne pas apprécier Fitzwilliam, lui qui comme vous, sait se montrer à la fois réservé et aimable, versant parfois dans un humour si fin que bien peu le comprennent.
   Oh Elinor, si vous saviez le bonheur qui est le mien! Après avoir été desespérées, nous voilà, Jane et moi, à l'aube d'un bonheur sans faille. J'espère qu'elle et Bingley viendront s'installer non loin de nous, et que je serai une bonne belle-soeur pour Georgiana. Oui, la première victime de celui qui est maintenant mon beau-frère... C'est une jeune fille terriblement timide, et son frère espère beaucoup de l'influence que je pourrais avoir sur elle. Elle ne sera jamais aussi effrontée que moi, fort heureusement mais nous lui rendrons à deux, je l'espère, la joie de vivre.
                                                           Avec toute mon amitié,
                                                                                    Elizabeth
____________________
Mr and Mrs James Bennet
request the honour of your presence at
the marriage of their daughter
Elizabeth
to
Mr. Fitzwilliam Darcy
Saturday the twenty nineth of January
Chapel of Pemberley

23 janv. 2012

Troisième Lettre d'Elinor à Lizzy

                                                                                                                    Octobre, Mansfield Park

                                Ma très chère Lizzy,

Une fois encore je me suis laissée embarquer par le cours du temps et j'ai honteusement négligé ma correspondance. Mais il s'est passé tant de choses ! Moi qui vivais encore il y a quelques mois la vie douce et calme de femme d'un pasteur de campagne. Nous avions raison de penser que la venue de ma belle-mère n'augurait rien de bon, ce fut le début de tous ces chamboulements que je me réjouis de pouvoir enfin vous raconter, profitant de mon tout premier moment de calme.

Mais je m'emporte et j'oublie de vous dire à quel point j'aurais aimé être auprès de vous au cours des épreuves difficiles que vous venez de passer. J'espère que vous vous portez bien et que tout est rentré dans l'ordre mais pour vous dire la vérité, j'ai entendu tant de choses différentes et de rumeurs étonnantes à votre sujet et à celui de vos sœurs, que je ne sais plus que croire !
J'espère que vous me pardonnerez d'avoir prêté l'oreille à touts ces "on-dit" mais j'étais extrêmement inquiète à votre sujet et Lucy ne se lasse pas de me raconter tout ce qu'elle entend depuis qu'elle sait que nous sommes amies ! Je ne peux donc pour le moment que m'en vouloir de ne pas vous avoir répondu plus tôt et attendre votre réponse avec impatience pour être fixée. je suis malgré tout optimiste, ne vous ayant pas vu descendre d'une chaise de poste pour vous réfugier dans mon humble demeure.
D'ailleurs je n'y suis de nouveau plus moi-même mais je ne m'en plains pas puisque je profite du calme et de la beauté de Mansfield Park. Mais reprenons là où nous nous étions laissées ! Je logeais donc chez ma chère amie Mrs Jennings avec Margaret. Cette dernière profitait des bals et s'amusait beaucoup même si elle ne distingua aucun jeune homme de l'assemblée. Elle se fit néanmoins une amie très chère, Charlotte, une jeune fille de bonne famille dont les parents sont aux Indes. Mrs Jennings qui aimait à accompagner de temps à autre ma soeur et son amie dans leurs sorties mondaines l'a même prise sous son aile, déplorait qu'elle fût abandonnée à son sort par ses parents avec pour seule compagnie une vieille tante qui passait plus de temps à dormir qu'à la surveiller. Charlotte est une jeune fille très douce et d'une grande gentillesse et ce fut un plaisir que de l'accueillir parmi nous aussi souvent que possible et de remplacer au mieux sa famille. Au bout de quelques temps, Mrs Jennings m'informa que si son intuition ne la trompait pas, elle serait bien étonnée si Miss Charlotte ne recevait pas une demande en mariage fort avantageuse d'ici peu de temps.

Cependant, devenue un peu plus prudente depuis les mésaventures de Marianne, elle n'en dit pas plus. Il ne fallut pourtant pas beaucoup plus de temps pour que chacune d'entre nous, ainsi que le tout Londres, se rende compte de la façon dont Lord Rainborow distinguait particulièrement Charlotte parmi les autres jeunes filles. Je vous laisse donc aisément deviner l'état de frivolité et d'excitation générale qui régnait alors dans la maison et qui présageait bien peu de ce qui allait suivre !
Lors d'une soirée donnée par Mr et Mrs Robert Ferrars, tout a baculé et la soirée ne fut qu'une succession de catastrophes. Vous vous rappelez certainement de Nancy, la soeur de Lucy et de sa discrétion légendaire. Alors qu'un groupe de jeunes filles se trouvaient assemblées dans un coin de la salle de bal, Nancy ne put s'empêcher de féliciter haut et fort Miss Charlotte pour la "bonne prise" de celle ci et lui demander pour quand était le mariage. La si discrète Charlotte était déjà rouge de honte mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'elle ressenti lorsqu'elle aperçut que Lord Rainborow se trouvait juste derrière Nancy. Ce dernier ne jugeant manifestement pas l'humiliation suffisante, ajouta devant toute l'assemblée qui était maintenant toute ouïe, qu'il n'avait jamais été question pour lui d'unir l'illustre nom de ses ancêtres à celui d'une jeune femme dont les parents étaient je ne sais qui, et qui pêché suprême, avaient fait fortune aux Indes !
La pauvre Charlotte s'enfuit sur le champ suivie de près par Mrs Jennings, qui la ramena fort heureusement chez elle.

Margaret quant à elle restait figée au milieu de la scène et semblait aussi touchée que si ce fut elle la malheureuse héroïne de cette tragédie. Je sentis instantanément que quelque chose d'affreux se passait en elle et fit de mon mieux pour la rejoindre au plus vite mais je fus interceptée par mon beau frère qui m’informât que ma belle mère demandait à s'entretenir avec moi de toute urgence. Le temps que je le repousse, de façon fort peu courtoise, je dois bien l'avouer, Margaret n'était plus en vue ! Je me résignais donc à le suivre, toutes mes pensées tournées vers ce qui venait de se produire et ne me doutant pas des épreuves qui m'attendaient encore !

Je me retrouvais donc devant Mrs Ferrars, son fils et Lucy, qui affichait un air bien satisfait pour quelqu'un qui était en disgrâce depuis quelques temps. Mrs Ferrars me dit alors qu'après avoir réfléchi aux différentes composantes de la situation, c'est à dire que Robert devait hériter mais n'avait toujours pas d'enfant, elle avait pris sa décision. Si vous étiez tentée de penser qu'elle revenait sur sa décision de déshériter Edward, ou qu'elle voulait doter généreusement son petit fils, je vous prie de croire que les mines réjouies de son fils et de sa belle fille ne me l'ont pas laissé entrevoir une seule seconde. Non, tenez vous bien, sa décision était que pour le bien de tout le monde, il serait bien que Charles reste vivre à Londres, et que Robert et Lucy l'adoptent!

Je pensais encore à ma pauvre Margaret et je n'avais aucunement le temps de m'attarder sur de telles absurdités. Je tournais les talons sans un mot et rentrais chez moi après que l'on m'ait informé que c'est là que je trouverais Margaret.
Je vous passe les détails de ce qui suivit. Le lendemain matin nos valises étaient faites et nous étions en route pour la maison, emmenant Charlotte avec nous. Arriver au cottage fut un immense soulagement mais Charlotte fut prise de fièvre et de délire et Margaret s'enfermait chaque jour dans le mutisme, un peu plus profondément. Nous veillâmes Charlotte jour et nuit, mais rien de ce que nous avons pu lui dire, ni même le retour de ses parents ne la dissuada d'aller s'enfermer dans un couvent dès que sa guérison fut complète.

Je craignis beaucoup pour la santé mentale de Margaret qui fut profondément affectée par toutes ses épreuves, et Edward et moi même décidâmes qu'il était grand temps de profiter de l'hospitalité de Mansfield Park et de ses habitants. Nous sommes donc ici depuis deux semaines maintenant. Nous logeons dans la maison principale, que Sir Bertram, le frère aîné d'Edmund Bertram, trouvait trop triste d'habiter seul. Je n'ai pas été sûre que cette compagnie bénéficie à Margaret. Tom Bertram nous a raconté un soir sa jeunesse et les erreurs qu'il a commise et moi même un peu choquée, j'ai eu peur que Margaret ait définitivement perdue sa bonne opinion de la gente masculine mais elle parût d'abord soulagée de constater qu'il ne se prétendait pas parfait puis touchée par la sincérité de son repentir. Je suis maintenant bien aise de notre décision et nous sommes si heureux à Mansfield Park que nous pourrions presque y rester pour toujours !

Edward et Edmund n'en finissent pas de comparer leurs vues théologiques et j'ai moi même découvert une aimable compagne en la femme d'Edmund, Fanny. Nous faisons de longues balades dans la nature, le petit Charles court partout et semble au comble du bonheur quand Tom et Margaret ont des discussions très animées sur leurs blessures personnelles qui semblent trouver écho dans celles de l'autre. Elle va chaque jour un peu mieux et je suis si contente qu'elle ait trouvé quelqu'un à parler même si j'ai toujours peur qu'elle finisse par importuner ce pauvre Tom à le prendre pour un grand frère de substitution.

Je dois à présent vous laisser, bien à contre coeur, croyez le mais tout le monde n'attend pour un pique nique. Je vous promets de vous parler encore de Mansfiled et de ses habitants dans ma prochaine lettre et j'attends de vos nouvelles avec impatience.

                                              Bien à vous.

                                                                                   Elinor.

Post Scriptum : Je viens de recevoir grâce aux bons soins de Marianne, le magnifique paquet que vous m'avez envoyé pour mon anniversaire et vous en remercie chaleureusement.