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Bonjour et Bienvenue à toutes et à tous sur le blog du projet "Correspondance d'Autrefois". L'aventure commence avec 23 participantes, un magnifique panel de 27 personnages et 15 passionnantes correspondances à suivre...


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A très bientôt pour suivre toutes ces belles lettres...

Affichage des articles dont le libellé est Constance Montgomery / Frances Sainsburry. Afficher tous les articles
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25 janv. 2012

Sixième lettre de Fanny à Constance



Ma très chère cousine,

Je tiens tout d'abord à vous souhaiter tout le bonheur possible pour cette nouvelle année. Il me faut ensuite vous prier de bien vouloir me pardonner de ce long silence. Comme vous le savez, mon père organise chaque année une réception durant les fêtes de Noël. Ma Tante Brown ne m'étant pas d'un grand secours pour ce genre de choses, j'ai dû en prendre en charge l'organisation seule, ce qui a occupé tout mon temps et m'a considérablement épuisée. Ensuite, ce n'est plus l'occupation, mais la peine qui m'a empêchée d'écrire.
Avant de vous raconter quels furent les derniers événements, il me vient l'envie de vous gronder d'être sortie si souvent sans prendre la moindre précaution ! Je suis bien heureuse de vous savoir guérie et j'espère que vous prendrez davantage soin de vous à l'avenir.
La suite de votre lettre m'a peinée, mais aussi mise en colère. Comment cet homme ose-t-il se comporter de la sorte ? Concentrer ses attentions sur une personne pour ensuite se tourner vers une autre ! Comment peut-on faire preuve de tant d'inconstance ? D'après le portrait que vous m'en aviez fait, j'avais eu de lui une impression favorable et je suis d'autant plus déçue de sa conduite. Mais surtout, je lui en veux terriblement de vous avoir ainsi causé de la peine. Si je le pouvais, je lui ferais volontiers part de tout le mépris qu'il m'inspire (bien que mon père ne me pardonnerait sans doute jamais une telle conduite). Je sais à présent que l'amour est une bien étrange maladie, et j'aimerais avoir le pouvoir de vous en soulager.
Ma dernière lettre était sans doute bien pessimiste, heureusement, celle-ci apporte de meilleures nouvelles. Comme je vous l'ai dit, j'ai été chargée d'organiser notre réception annuelle pour les fêtes de Noël. À cette occasion, j'ai envoyé des invitations à tout le voisinage, y compris à Lady Sheldon et Lord Henry. Je m'attendais, bien entendu, à un refus. J'avais tort, ils ne se donnèrent même pas la peine de répondre. Ce comportement, dont eurent vent nos voisins, a profondément choqué. De la froideur à mon égard se comprenait, mais une attitude d'une telle impolitesse envers mon père, homme respecté dans tout le voisinage, constituait une offense propre à choquer. Alors que j'avais dû subir des commérages bien désagréables, je devins soudainement un objet de compassion. Tous se mirent à soutenir que j'avais eu bien raison de refuser un homme si peu délicat. Même l'attitude de Père s'est radoucie à mon égard.
Ce soudain revirement de situation devrait me ravir. Et pourtant, je ne parviens pas à me montrer gaie. Vous êtes suffisamment éclairée sur l'état de mon cœur pour en connaître la cause, chère Constance : il s'agit bel et bien de Mr Temple. À la minute où j'appris son retour, je fis de mon mieux pour éviter de me retrouver en sa présence. Cette attitude était lâche sans doute, mais je craignais sa réaction et n'avais pas le courage de l'affronter. Malheureusement, le sort fut contre moi, car alors que je me rendais chez l'une de nos voisines, malade, afin de lui apporter nourriture et réconfort, je le trouvai justement chez elle. L'heure qui suivit fut parmi les plus embarrassantes de toute mon existence. Je n'osais le regarder et j'imagine qu'il était aussi embarrassé que moi. Enfin vint le moment de prendre congé et il se proposa de me raccompagner, proposition que j'acceptai alors que j'étais pourtant décidée à la décliner. Nous commençâmes par échanger des banalités, puis la conversation dériva vers les raisons de son absence. Il m'avoua que sa jeune sœur était tombée amoureuse d'un homme de mauvaise vie et s'était laissée convaincre de s'enfuir avec lui. Fort heureusement, il avait pu empêcher un tel drame de se produire. Je lui promis de ne rien dévoiler à son cousin ou à sa tante et fus touchée par une telle marque de confiance. Mais à vous, chère cousine, je sais que je peux me dévoiler en toute sûreté. Il a ensuite évoqué le sujet que je redoutais tant. Je suis bien heureuse qu'il n'y ait eu d'autre témoin à cet instant, tant j'étais mortifiée. Il m'assura que j'avais eu raison de ne pas accepter sa main si cela était contre ma volonté et contre mes sentiments. J'en fus si heureuse que je ne m'offusquai nullement qu'il m'ait appelée par mon prénom.
Mais ce bonheur fut de courte durée. Car il ne peut décemment épouser la femme qui a rejeté un membre de sa famille, du moins tant que celui-ci n'a pas trouvé un nouvel objet d'affection. Il se refuse à un tel geste. Je devrais l'en blâmer, mais pour mon malheur, je ne l'en estime que davantage.
Il changea de comportement à mon égard. Ce fut particulièrement notable le soir de la réception. Pour compenser l'impolitesse de sa tante et de son cousin, il avait répondu favorablement à notre invitation. Mais alors qu'auparavant il se montrait amusant et même plaisantin envers moi, il fut ce soir-là distant, se contentant de faire preuve de la politesse exigée dans ces circonstances. Une fois il fit un geste pour saisir ma main alors que nous étions seuls, mais y renonça finalement.
Il a quitté la région après la nouvelle année, retournant à ses fonctions. J'ai beau me dire qu'il me faut me résigner, je ne parviens pas à retrouver ma légèreté d'antan et je crains que mon cœur n'ait que trop souffert. Toute idée de mariage me semble aujourd'hui inenvisageable. Mais ne vous en faites pas Constance, tôt ou tard, je me porterai mieux, avec le temps.

J'espère que vous vous portez bien et que votre maladie n'est plus qu'un mauvais souvenir.

Avec toute mon affection,

Fanny.

24 janv. 2012

Sixième lettre de Constance à Frances


Ma très chère Fanny,

Comme mon cœur a saigné en lisant votre lettre… Je n’ai pas eu le droit de faire sa lecture tout de suite, ayant été encore une fois très malade. Je crains que mon entêtement à sortir tête nue dans le jardin ne me perde un jour.

Je ne peux que me féliciter que vous ayez repoussé Lord Henry, même si votre père comme le mien, frémirait en lisant ces lignes. Mais vous ne pouviez décemment pas épouser ce malotru. Car il a bien révélé sa vraie nature maintenant que vous l’avez repoussé, et votre vie avec lui n’aurait pas été très heureuse. Non, vous avez bien du courage ma chère, et je vous admire pour cela !
Reprenez courage, si Mr Temple a quelque affection pour vous, il saura voir votre honnêteté derrière ce refus de vous marier, et n’en sera que plus charmé par vous, j’en suis sûre.

En ce moment, je me réfugie dans les préparatifs de mariage de James et de ma chère amie. J’ai hâte qu’elle devienne ma sœur. Il n’y a guère que cela qui en ce moment me donne du baume au cœur. Vous allez vous demander pourquoi, et il me sera difficile de vous expliquer sans paraître ridicule.

Je vous avais parlé du Duc de Dorset, et de mon incapacité à savoir comment agir avec lui. J’avais commencé par être naturelle, mais voyant que le tout Londres avait les yeux rivés sur lui, j’ai décidé de m’éloigner, trop tard sans doute. Je crois pouvoir vous avouer sans me tromper que je suis bel et bien amoureuse, et furieuse de l’être !
Oui furieuse, parce que je me suis éprise du mauvais homme.  Croyez-vous qu’il aurait été marri que je cesse de rechercher sa compagnie ? Point du tout, il est tombé dans les filets d’Amelia Winston, une blonde fade et tout ce qu’il y a de plus comme il faut. A côté j’ai l’air d’une créature du diable, ou presque. Je plaisante, mais je me sens bien blessée. Tellement que j’en aurais fait des bêtises, je le crains, si je n’étais pas opportunément tombée malade.

Quand je parle de bêtises, elles ont une personnification qui prend la forme d’un Vicomte, cousin d’un ami de James, qui allie charme et humour, et qui est aussi frivole qu’il est beau. Brun, aux yeux d’un bleu sans nuage, il a une mâchoire décidée et un nez aquilin. Toujours tiré à quatre épingles, ses costumes sont du meilleur goût, et de la dernière mode. Il n’est pas en reste quant aux potins, mais cache derrière tout ce tapage, un sens très prononcé pour la littérature et les arts. Bref, il n’a que le défaut de ne pas être le Duc de Dorset, et de ne pas faire battre mon cœur.
Durant toute ma maladie, il m’a fait porter de bien jolis bouquets de fleurs et des livres, quand il ne venait pas lui-même me faire la lecture. La raison voudrait que je succombe à sa délicieuse cour, et peut être le ferais-je. Après tout, mon béguin stupide pour le duc passé, il ferait un délicieux mari, et ce ne serait pas du tout une mésalliance. Mais pourtant, je me suis promis que si je devais me marier, ce ne serait que par amour…
Que faire ? Quelle idée ais-je eu en me mettant en chasse de mon mystérieux sauveur ! Il n’y a bien que dans les romans que l’héroïne finit par se marier avec celui qu’elle aime.
Je devrais peut être tenter d’écrire, et essayer de vivre de ma plume. Ou m’enfuir, que sais-je, partir je ne sais où et devenir gouvernante.
Je délire, chère cousine, mais je trouve la vie si injuste parfois…
Je vous abandonne sur ces paroles, je dois prendre le pâle soleil de Londres en me promenant, pour soigner mes poumons.

                                                                                              Affectueusement,
                                                  Constance.

10 nov. 2011

Cinquième lettre de Fanny à Constance

Ma très chère Constance,

J'ai bien reçu votre dernière lettre, ainsi que votre colis et je vous remercie de tout cœur d'avoir pensé à mon anniversaire. Ceux-ci ont été à mes yeux de véritables rayons de soleil dans des moments bien sombres. J'ai été heureuse d'apprendre que tant de choses s'arrangeaient au mieux pour vous et votre frère. Ainsi, vous ne subirez plus le courroux d'Emily qui se trouve exilée, et l'identité de votre mystérieux sauveur a été dévoilée ! On m'accuse souvent d'avoir une imagination excessive, mais il semble que cette fois-ci, elle ne m'ait pas trompée. Que je suis heureuse pour vous ! Il m'a l'air d'être fort aimable et très amusant. Néanmoins, vous avez raison, on ne peut être trop prudente. Il ne vous est pas interdit de le côtoyer un peu, ainsi peut-être pourrez-vous vous en faire une idée plus précise. Méfiez-vous cependant des bruits qui courent, si nombreux à Londres.

Je suis bien soulagée que vous n'ayez été fâchée de mon retard dans l'envoi de vos présents. Il y a à cela une explication que je n'ai voulu vous dévoiler alors, de crainte d'assombrir votre journée. J'ignore si la nouvelle vous a été communiquée par Père, mais Lord Henry m'a fait sa demande. Je vous avoue que j'ai eu l'imprudence de croire que ce penchant qu'il avait eu pour moi n'avait été que fugace. Après tout, tant de mois s'étaient écoulés sans qu'il ne se déclare ! J'avais imaginé qu'il ne s'agissait que d'une lubie passagère. Je m'étais lourdement trompée. Alors qu'il devait rester avec ses amis au moins trois mois, je me sentais en paix et ne craignais plus de le rencontrer à chaque heure du jour. Mais, un après-midi, alors que je rentrais de promenade, profitant des derniers beaux jours, je vis Père qui m'attendait au salon. Il me demanda de l'accompagner à son bureau, où il désirait s'entretenir avec moi. Il y avait tant de mystère dans son attitude qu'il excita ma curiosité. Je compris mieux lorsque j'aperçus la silhouette digne et droite de Lord Henry ! Avant que j'aie eu le temps de protester, je me trouvai prise au piège, seule dans la pièce avec lui.

Je savais très exactement ce qui allait se produire et pourtant je n'osais y croire. Oh, comme j'aurais souhaité ne jamais vivre cette scène ! Ce fut plus pénible encore que je l'avais imaginé. Il me dit alors que depuis longtemps, ses pensées étaient tournées vers moi. Que jusqu'à présent, il ne s'était décidé à ce déclarer à cause de l'infériorité de ma position sociale (réflexion qui m'offensa quelque peu, je l'avoue). Il ajouta avoir longuement consulté sa famille, puis ses plus proches amis, avant d'admettre que sa passion l'emportait sur les conventions. L'air affecté avec lequel il employa le terme de « passion » m'eût sans doute faire rire si les circonstances n'avaient pas été aussi dramatiques.

Car je sus, Constance, oui à cet instant je sus qu'il me serait impossible d'avoir un pareil homme pour époux. Je ne songeais plus à ma famille que j'allais contrarier, ni même à ce que nos voisins allaient dire d'une telle chose. Il semblait si certain de mon acceptation que je dus m'y prendre à plusieurs reprises avant de le convaincre que mon refus était bel et bien sincère et décidé. Puis, je quittai la pièce après l'avoir salué de manière maladroite et précipitée.

Je craignais la réaction de mon père et j'avais raison. Il tenta d'abord de comprendre mes motifs. Lorsqu'il réalisa que je ne comptais aucunement revenir sur ma décision, il exprima toute sa colère et sa déception. Depuis, c'est à peine s'il me parle. Moi, qui avait toujours été sa favorite, je ne peux désormais le croiser sans sentir son ressentiment envers moi. Quant à ma tante Brown, elle a eu une crise de nerfs en apprenant ce qui s'était passé. Depuis deux semaines, elle n'a plus quitté son lit et passe son temps en lamentations. Nous avons fait venir un médecin, et fort heureusement, son état n'est guère inquiétant. Que serais-je devenue, si en plus la santé de ma tante avait été mise en péril par ma faute ! Ma sœur aînée n'approuve pas non plus mon comportement. Dans sa dernière lettre, elle me supplie de revenir sur ma décision, me listant tous les avantages d'une telle union.

Il n'y a guère que la jeune Nora qui me montre encore de l'affection. Elle est presque mon seul réconfort, et mon unique compagne depuis quelques temps. La nouvelle s'étant répandue dans les environs, c'est à peine si j'ose m'aventurer dans le voisinage. Nos liens avec les Sheldon sont pour ainsi dire rompus. Lorsque nous avons croisé Lady Sheldon et son fils, à la sortie de l'office, ceux-ci se sont immédiatement détournés sans même un regard. Je dois supporter les chuchotements des uns et des autres, et j'ignore si je serai capable d'endurer ça bien longtemps.

Malgré tout cela, je ne parviens pas à regretter mon choix. L'attitude de Lord Henry depuis mon refus est si indigne de celle d'un gentleman que j'en éprouve d'autant moins de remord. Néanmoins, il est une personne dont la société me manque particulièrement.

Lorsque vous m'aviez fait part d'un certain penchant que j'aurais pour Mr Temple, j'avais pensé que je déteignais sur vous et que vous vous laissiez emporter par votre imagination. Et pourtant, comme vous aviez raison ! Je ne réalisais pas alors que mon affection pour cet homme grandissait de jour en jour. J'ai cru percevoir en lui certains signes d'attachement, sans parvenir cependant à le déterminer avec certitude. Malheureusement, une semaine après que j'aie refusé son cousin, il quitta le voisinage suite à une affaire urgente qui l'appelait. Il n'est revenu qu'il y a quelques jours, sans que je ne l'aie revu. Je crains qu'il ne blâme ma conduite.

Je vous prie de me pardonner pour cette lettre si dépourvue de gaieté. J'espère tout va au mieux pour vous.

Votre cousine affectionnée

Fanny

23 oct. 2011

Swap Anniversaire de Constance à Fanny

Ma très chère Fanny,

J'ai bien reçu vos présents pour mon anniversaire, et je peux à mon tour vous souhaiter le vôtre. J'espère que vous serez aussi enchantée que je le fus. Votre envoi fus l'occasion d'explosions de joie et je crains ne pas avoir été très digne d'une lady!
Je vous souhaite le meilleur des anniversaires

Votre dévouée cousine, 
Constance.




Le paquet est arrivé il y a une semaine et j'ai bondi dans tous les sens lorsque je l'ai ouvert. J'ai vraiment été gâtée par Eiluned! Je vous en liste le contenu:


Trois romans: North and South en anglais. Depuis le temps que je me dis que je dois le lire, ce sera l'occasion; Agnes Grey d'Anne Brontë, aussi en anglais, que j'ai hâte de découvrir; La Dame en Blanc de Wilkie Collins. Je ne connaissais ni l'auteur, ni le roman. J'ai commencé la lecture hier et je trouve ça vraiment prenant, donc merci pour cette jolie découverte!



Trois gourmandises: un paquet de Dragibus et une tablette de chocolat à la violette, qui sont tous les deux déjà mangés (j'ai un peu honte de ma gourmandise quand même...), une boîte de thé vert , un régal pour moi qui adore le thé.



Trois goodies, dont deux cousus main: Une très jolie pochette et un marque page brodé d'une citation de Charlotte Brontë. Avec tout ça, j'ai aussi eu un carnet contenant des citations des soeurs Brontë!

Bref, je suis comblée! Merci encore Eiluned!!

11 oct. 2011

Cinquième lettre de Constance à Frances


Ma chère Fanny,

Comme j’ai été heureuse d’avoir de vos nouvelles, et d’apprendre que votre sœur attend un enfant. Ainsi la famille s’agrandit ! Vous serez sans doute heureuse d’apprendre que James doit se marier cet hiver.  Mais avant de parler de ce qui se passe chez nous, laissez-moi vous dire que j’admire votre grand cœur et votre capacité à pardonner. Je ne sais pas si, étant dans le même cas que vous, j’aurais pu ne pas avoir envie de brûler les excuses de Monsieur Temple. Néanmoins, puisque vous m’en faites l’éloge, et que je crois deviner derrière vos mots, un petit attachement, je suis prête à lui laisser le bénéfice du doute, mais pour l’instant, vous ne m’enlevez pas de l’esprit qu’on ne doit pas juger quelqu’un qu’on ne connait pas, même si en vous écrivant ceci, j’illustre bien mal mes propos.

 J’arrête de pontifier à ce sujet, et je suis bien aise d’avoir appris que vous êtes pour quelques temps soulagée de la présence de Lord Henry. Peut-être aura-t-il trouvé un meilleur parti pendant son séjour, et vous seriez ainsi libre… Je l’espère ! Je ne souhaite que votre bonheur, et si vous pouviez éviter d’épouser un homme que vous n’aimez pas, tout finirait bien.

Je vous imaginais très bien, en lisant votre lettre, déployer des trésors de finesse pour éviter la compagnie de votre prétendant. Je ris, et  plains votre père, qui a aussi peu de chance avec vous que mon père en a avec moi. Nous ne sommes pas assez sages, Fanny, mais qu’y pouvons-nous ?
Avant de vous parler de l’évolution de l’enquête concernant le mystérieux inconnu, j’ai une grande nouvelle à vous apprendre. Emily est mariée ! Ce fut rapide, vous le constaterez sans peine, et il se chuchote à Londres qu’elle a été surprise en bien fâcheuse position avec son époux, avant leur union. Elle a épousé un écossais, et est maintenant exilée au fin fond des Highlands. Suis-je affreuse de m’en réjouir ? Iris, elle, est assez bonne pour regretter que sa sœur fasse un mariage qui ne la satisfait pas. Je n’ai pas de sentiments aussi pieux, je le crains.

Pendant que j’étais à la campagne une partie de l’été, Nathan a continué son enquête avec brio, et il s’est avéré après recoupements que le duc de Dorset est bel et bien le mystérieux sauveur qui m’a épargné un  scandale tapageur et à qui j’ai imposé un contact… Un peu trop poussé. Comment pourrais-je ne pas en vouloir encore à Emily ! 

Edward, qui finalement a décidé d’abandonner les tables de jeu pour goûter la compagnie de sa sœur, m’a appris qu’il le connaissait bien et qu’ils étaient très amis. Je n’ose pas penser quel homme doit être alors ce duc ! J’aime tendrement mon frère, mais il fait partie de ces jeunes gens peu sérieux, et j’ai entendu père le sermonner à plusieurs reprises à propos d’endroits mal famés… Je n’entrerais pas plus dans les détails, la convenance me l’interdit, et si jamais cette lettre finissait dans de mauvaises mains, ce ne serait pas bon pour vous que je m’adonne à ce genre de confidences. 

Pourtant, il paraît être un parfait gentleman. Je l’ai croisé en sortant de la librairie avec Edward, et nous avons fait quelques pas ensemble dans le parc. J’ai eu l’occasion de lui demander s’il était bien mon sauveur, et c’est le cas. Il a ajouté qu’il avait trouvé l’aventure délicieusement drôle et que je l’avais ouvert au monde charmant des sauveurs de jeunes filles. Il paraît goûter l’ironie, et être assez souvent mordant. Je ne sais trop qu’en penser.  Quelque jour après cette rencontre, Edward m’a confié que son ami m’avait trouvée «  bien différente des jeunes filles ennuyeuses de la haute société, et terriblement fascinante. »
Fascinante ? Moi ? 

Je ne sais trop ce que je dois penser de tout ça chère cousine. S’il se met à avoir un quelconque intérêt pour moi, ce qui serait des plus étranges, père va vouloir me pousser vers lui, et je crains alors que l’intérêt léger que je ressens pour lui ne s’évanouisse en fumée. J’avoue, en me morigénant de cela, que je le trouve très différent des autres hommes, et il est le seul, mes frères mis à part, que j’ai envie de côtoyer.  Je me demande comment je peux penser à cela, alors qu’il soit possible qu’il ne soit pas très fréquentable. Il va falloir que je continue mon enquête, Fanny, mais vous dites-moi ce que vous en pensez ? Dois-je oublier mon inclination sur le champ ? J’y serais encline.

Éclairez moi vite !

Avec tout mon affection,

Constance.

4 oct. 2011

Quatrième lettre de Frances Sainsburry à Constance Montgomery

Très chère Constance,

Il est fort probable que les mots que je pourrais employer seraient insuffisants pour décrire l'indignation que j'ai pu ressentir en vous lisant. J'imaginais qu'une femme capable de tant de perfidie ne pouvait être qu'un personnage de roman. C'est d'ailleurs à cela que votre récit me fait penser, à un roman. Oh, quelle extraordinaire coïncidence ce pourrait être si ce jeune homme avec lequel Emily a tenté de vous compromettre était votre sauveur de l'autre soir ! Ce doit être forcément lui ! Je crois me rappeler que l'une de nos voisines, qui se rend souvent à Londres, a évoqué un jour cet homme comme le plus beau parti du moment. Elle en fit à peu près le même portrait. Serait-il possible que vous soyez également sous son charme, chère cousine ? Comme j'aimerais être à vos côtés pour vous aider dans vos investigations ! Néanmoins j'ose espérer que ce sera bientôt le cas, comme vous le suggérez. Je suis si heureuse que James trouve enfin le bonheur qu'il mérite après tant de déconvenues ! Je souhaite seulement qu'Emily se comporte de manière plus décente lorsqu'elle fera partie de notre famille. Enfin, si cela est nécessaire pour que votre frère connaisse un mariage heureux, il faudra bien nous en accommoder.

Je vous pardonne bien volontiers votre retard, le mien étant plus grand encore. Ces dernières semaines, mon temps a été occupé à esquiver les visite de Lord Henry. J'ai passé mes journées à guetter sa venue afin de pouvoir m'enfuir par l'arrière de la maison à l'instant où son cheval ou sa voiture apparaissait à l'horizon. Père m'a à plusieurs reprises reproché cette attitude et j'ai dû invoquer le superbe temps ainsi que mon étourderie en guise d'excuses. Heureusement, une excellente nouvelle est venue me délivrer de ce fardeau. En effet, Lord Henry a été invité à passer quelques semaines dans le Kent auprès d'amis. Nous espérions nous-même recevoir une invitation à Bath chez ma sœur. Malheureusement elle nous a écrit pour annuler sa proposition car elle attend un enfant et se trouve indisposée par sa grossesse. La joie d'accueillir bientôt un petit neveu ou une petite nièce a largement compensé la déception de voir ce voyage reporté.
J'ai également une toute autre nouvelle qui, je n'en doute pas un instant, va vous surprendre. Je suppose que vous n'avez pas oublié mon altercation avec Mr Temple. Deux jours après cette mémorable soirée, je reçus un billet. Je supposai d'abord qu'il venait de Margaret et trouvai alors étonnant qu'il ne fut adressé qu'à moi. Mais je fus plus surprise encore en y voyant une écriture et un cachet qui m'étaient inconnus. Cette surprise atteignit son paroxysme lorsque j'en lis le contenu, que je vous livre dans son intégralité :
« Mademoiselle,
J'ose imaginer votre étonnement devant l'audace dont je fais preuve en vous écrivant, et de cela, je vous prie de me pardonner. Depuis notre rencontre, je n'ai cessé de me remémorer l'inqualifiable conduite que j'ai eue à votre encontre et vis-à-vis de laquelle vos griefs étaient tout-à-fait justifiés. Je ne vous demande nullement de me pardonner un tel affront, dont j'éprouve moi-même la plus grande honte. En vous écrivant, je désire uniquement vous assurer que ces paroles désobligeantes que vous avez surprises n'ont été l'effet que d'un discours trop léger tenu entre deux membres d'une même famille qui se retrouvaient et non d'un manque de respect volontaire à votre égard. Je vous supplie cependant de ne pas en tenir rigueur à mon cousin, qui n'a eu de cesse de vous défendre avec une grande vigueur. Sachez que je suis tout disposé à vous renouveler mes excuses en personne si vous en avez le désir et j'espère que l'avenir me donnera l'occasion de vous prouver que ces paroles si désobligeantes valent moins que l'homme qui les a prononcées.
Avec mes meilleurs sentiments,
Charles Henry Temple. »

Vous le savez, chère cousine, je ne suis pas rancunière. Après avoir fait comprendre à cet homme ma manière de penser, j'étais plus disposée à le côtoyer de manière formelle. L'arrivée de cette lettre est cependant parvenue à faire évoluer mes sentiments en sa faveur. J'étais aussi étonnée que touchée, particulièrement par sa volonté de défendre Lord Henry, bien que je ne sois pas dupe, ayant assisté à tout leur échange. C'était tout de même le signe que j'avais affaire à un homme de principe, contrairement à ce que j'avais cru. Je tins tout de même à l'éprouver et lui répondis par écrit que j'étais prête à entendre ses explications en personne. Je désirais savoir s'il était réellement prêt à agir de la sorte ou s'il savait seulement bien s'exprimer par écrit. Figurez-vous, Constance, qu'il le fit ! Quelques jours plus tard, au cours d'une partie de campagne réunissant tout le voisinage, nous parvînmes à nous isoler quelques instants pour cet entretien. Sa voix était moins assurée que son style épistolaire et il me sembla quelque peu différent du Mr Temple aimable et presque charmeur que j'avais aperçu à la soirée. Ses explications étaient gauches et décousues mais sa physionomie exprimait une telle sincérité que je ne pus faire autrement que lui pardonner. Je me suis par la suite demandée si je n'avais pas accordé ce pardon de manière trop rapide. Pensez-vous qu'il m'aurait fallu l'ignorer encore un peu plus ? Quoiqu'il en soit, il ne m'a pour le moment donné aucune raison de le regretter, et je souhaite sincèrement que cela ne change pas, car il est d'une très agréable compagnie.

Je vous quitte, en espérant avoir très prochainement de vos nouvelles. Surtout, continuez à vous méfier d'Emily !

Avec toute mon affection,

Fanny

13 sept. 2011

Quatrième lettre de Constance à Frances





                                      Ma très chère Fanny,

L’été est bien installé, et je vous écris en tentant de profiter un peu de l’air du matin, avant que la chaleur Londonienne me rende exsangue. Votre lettre m’a encore plus charmée que d’habitude, et le fait de savoir que vous avez mouché cet odieux Mr Temple m’a comblée de joie. Comme j’aurais aimé être avec vous pour contempler son air surpris ! J’en ris encore en y pensant, et vous félicite de l’avoir si bien remis à sa place. Il n’est pas dit qu’une femme de notre famille se laissera marcher sur les pieds !
Continuez à résister, et n’hésitez pas à lui afficher le plus profond des dédains, il le mérite.
J’ai bien tardé à vous écrire, mais pour ma défense, j’étais consignée et privée de toute mondanité par père. Si ne pas sortir n’a pas été une bien grande perte pour moi, ne pas pouvoir vous répondre m’a vraiment contrariée. Sans votre soutien ma vie me paraissait bien morne ! Pourquoi une telle punition me direz-vous ?
Si la plupart des Londoniens sont partis en villégiature, ma nouvelle ennemie n’a pas fait de même tout de suite et a réussi à me jeter dans une bien vilaine posture.
Tout s’est passé lors d’une soirée assez intime, au vu du peu de courageux encore présents dans la sphère Londonienne que nous fréquentons.  Je faisais plus ou moins tapisserie, je dois l’avouer, et je n’en étais pas mécontente. Je n’aime pas danser avec n’importe qui, et encore moins avec des inconnus. Mes frères étaient absents, et je me demandais bien ce que je faisais là. Mais avec la présence de mon nouveau chaperon en la personne d’une cousine de père, une femme qui tient absolument à ce que je fasse un beau mariage, je ne pouvais pas m’éclipser. Je marchais donc nerveusement dans la salle, en essayant de paraître à mon aise. Jusqu’à ce que cette vipère, pardonnez-moi l’expression, Emily, vous l’aurez deviné, se débrouille pour me faire trébucher, et que je tombe dans les bras d’un inconnu. Enfin, quand je dis les bras… Nos bouches se sont heurtées, et le scandale était fait. Vous me direz que je n’ai pas fait exprès et qu’à la réputation d’être intouchable ne va que s’ajouter de la maladresse… Si j’avais embrassé un quelconque parti, sans doute. Oui mais voilà… Je suis tombée sur le plus beau parti du moment. Celui qui allie un titre à une fortune personnelle colossale, et que le monde s’arrache.  Voilà qui déjà convaincrait n’importe quelle mère de lui jeter sa fille à la tête. Mais, ce qui marche auprès des jeunes filles, ce n’est pas tout ça, mais le fait qu’il soit beau. Parce qu’il l’est, croyez moi. Il n’a rien à envier à une statue de Michel ange, des boucles parfaites au profil parfaitement dessiné. Et ses yeux… Alors vous vous direz que ce n’était pas si grave, et que finalement il faut mieux que je sois tombée sur lui plutôt que sur un vieux barbon. Certes. Mais néanmoins, il semble que certaines personnes croient que cela a été fait intentionnellement et que je suis une intrigante qui tente de se faire remarquer à tout prix pour pouvoir se marier rapidement. Les rumeurs courent vite à Londres.
Père a été particulièrement atteint par cette histoire. Il semble que je ne lui offre que des déconvenues, et que je ne suis pas la fille qu’il aurait aimé avoir. Il eût fallu que je sois posée, réfléchie, accomplie, discrète,  moins sérieuse… Je me sens coupable ces derniers temps.
Néanmoins, je me change les idées en partant à la chasse de mon sauveur. Avec Nathaniel, nous avons dans l’idée de trouver qui il est. Le travail d’enquête n’est pas chose aisée, je vous prie de me croire, mais nous commençons à réduire le champ des possibilités. Pour cela, nous procédons avant tout par élimination. Je n’ai certes pas vu le visage de l’homme qui m’a tirée d’un premier faux pas, ô combien j’eusse aimé qu’il soit là pour m’empêcher le second, mais je sais tout de même à quoi ressemble sa silhouette. Il était grand et athlétique. Nous avons donc éliminé les trop minces, petits, enveloppés. Les chauves également. Il m’a semblé jeune, par sa voix, et sa vivacité aussi avons-nous pensé qu’il avait entre dix-huit ans et trente-cinq ans. Il fallait également qu’il connaisse bien les lieux où nous étions, que ce soit par lien familial ou amical. Nous avons donc une liste d’une dizaine de candidats potentiels.
Devinerez-vous qui figure dans cette liste ? William Sackville, duc de Dorset.  Cela ne vous dit rien, mais si j’ajoute qu’il est la malheureuse victime de ma chute, vous comprendrez mieux.
Le destin me jouerait un tour bien étrange s’il s’avérait que c’était lui. Et comment pourrait-il être remercié assez discrètement ? Mais je me dois de ne pas être trop hâtive, bien sûr.
J’aimerais tant que vous soyez avec moi en ces temps difficiles, et plus que jamais je ressens l’absence cruelle de ma mère. Si Nathaniel n’était pas là, je crois que je serais définitivement en train de sombrer, mais dieu merci, il est d’un soutien indéfectible.
Une autre chose vient éclairer mon quotidien. Le rapprochement entre James et Iris, qui permet à mon frère aîné de se guérir doucement de sa douloureuse aventure amoureuse. Elle est toute en discrétion et finesse, et je pense que nous aurons, d’ici quelques mois, un mariage à préparer. Ce sera pour vous l’occasion d’arracher à votre père la permission de venir à Londres, car vous ne pouvez décemment par laisser votre cousin se marier sans y assister !

Je termine sur cette note pleine d’espoir ma lettre car les préparatifs de notre départ pour la campagne m’attendent. Nous allons séjourner chez ma tante pour échapper un peu à Londres. Le temps de me faire oublier j’espère !

Sincèrement vôtre, et en espérant avoir de vos nouvelles plus rapidement que j’en ai donné des miennes.


Constance.

28 juin 2011

Troisième lettre de Frances à Constance



Ma chère Constance,

Votre lettre a provoqué en moi une forte indignation. J'imaginais cette Emily futile et vaine, et voilà que je la découvre vile et calculatrice ! Cette demoiselle s'avère en tout point absolument indigne d'être la femme d'un gentleman tel que votre frère. Je ne peux que vous féliciter d'avoir rendu son caractère public et je ne comprends guère le mécontentement de mon oncle, qui au contraire aurait dû vous féliciter et vous remercier plutôt que vous blâmer. Après tout, qu'en aurait-il été le jour où cette affaire aurait été connue si votre frère et cette indigne créature avaient été fiancés ? Je n'ose imaginer l'humiliation qu'il aurait eu à essuyer. Vous avez en cette circonstance fait preuve d'un grand courage et prévenu mon cousin d'une union des plus malheureuses. Je lui sais gré de la reconnaissance qu'il a su vous témoigner. 

Emily en revanche mérite tous les reproches possibles. Après que son ignoble comportement eût été rendu public, toute autre jeune fille se serait retirée de la société pour dissimuler sa honte. Mais venir jusque chez vous, vous faire des reproche et ensuite se venger ! C'est avoir là bien peu d'honneur. Et la manière dont elle a agi à votre encontre est des plus méprisables ! Oser tenter d'attenter à votre honneur, à votre réputation ! Quelle bassesse ! Quand à cet homme si indigne, comment a-t-il osé vous traiter ainsi ? Bien que je ne sois guère supportrice de démonstrations de violence, je salue vos frères, qui ont su donner une bonne correction à ce malotru et laver votre honneur. En ce qui concerne cet inconnu qui a su voler à votre secours, j'espère qu'il vous sera donner de le revoir et d'apprendre qui il est. Je vous avoue que ce mystérieux gentleman excite ma curiosité, car pour venir ainsi en aide à une demoiselle, il ne peut s'agir que d'un gentleman. Peut-être vous sera-t-il possible à vous, ainsi qu'à vos frères, d'enquêter sur la question. 

J'aimerais vous rassurer au sujet de votre réputation actuelle. Comme vous le dites si bien, il est préférable que l'on vous croit intouchable plutôt que perdue. Je ne connais que bien peu la vie de Londres, mais il me semble que de nombreux potins y circulent chaque jour. Ainsi, n'est-il pas probable que cette malheureuse affaire soit rapidement oubliée en société puisqu'il n'y a pas eu faute de votre part ? Comme j'aimerais être à vos côtés pour mieux vous réconforter !

De mon côté, les perspectives ne sont guère meilleures. J'ai cependant eu le plaisir de remporter une petite victoire sur cet épouvantable Mr Temple. Je savais d'ores et déjà que je serais amenée à le rencontrer dans un cadre plus officiel. En effet, le retour de Père a été le prétexte d'une invitation de la part de Lady Sheldon et de son fils à une petite réception. Toute notre famille y a été conviée, à l'exception de Nora, encore bien trop jeune pour assister à ce type de réunion. Cela était l'occasion pour ma soeur et son mari de profiter de la société du Devonshire une dernière fois avant de repartir – Par ailleurs, il me faut vous préciser que Mr Robertson est apparu étonnamment changé et agréable depuis le retour de Père – Vous devez vous douter que la simple idée de cette soirée me rebutait. Par souci de ne pas troubler la paix du voisinage, je n'avais parlé de ma mésaventure à personne d'autre qu'à vous, ma chère cousine.

Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, il y avait heureusement suffisamment de nos connaissances pour que je puisse éviter Mr Temple. En revanche, je ne pus éviter les remarques qui étaient faites à son sujet, toutes très élogieuses. Il semblait être aux yeux de tous amusant, plein d'esprit et d'une extrême amabilité. On regrettait sincèrement qu'il n'ait pas davantage de fortune, sans quoi il aurait été un parti très souhaitable. Tous nos voisins auraient-ils donc perdus la raison ? Voilà la question que je me posais. J'en étais là de mes réflexions lorsque Lord Henry me salua et insista pour me présenter son cousin. Je fus certes contrainte de lui répondre par obligation, mais je montrai avec soin par ma froideur et mon détachement que je n'en prenais nul plaisir. Ce détestable personnage le remarqua puisqu'aussitôt, son sourire radieux s'évanouit. Je fus bien aise de voir qu'il comprenait que je n'étais pas dupe de ses belles manières.

Je m'éloignai rapidement sous un quelconque prétexte, imaginant en avoir fini pour la soirée avec cet homme odieux. Malheureusement, je n'étais pas au bout de mes surprises. Une fois que l'heure fut avancée, certaines personnes dans l'assistance exprimèrent le désir de danser, suggestion qui fut unanimement approuvée, y compris par moi – vous savez à quel point j'affectionne la danse – Miss Bloom, une jeune demoiselle que je me plais à fréquenter et qui possède un grand talent pour la musique, s'installa au pianoforte et entama une mélodie au rythme enlevé. Lord Henry, malgré sa préférence pour les jeux de cartes, m'invita à danser. Il n'était certes pas le partenaire dont je rêvais, mais le refuser pour danser avec un autre eut été bien trop grossier. Je découvris d'ailleurs en lui un partenaire tout-à-fait acceptable. Mais lors de la danse suivante, à ma grande surprise, je reçus une invitation de Mr Temple. Voyez-vous, chère Constance, j'ai longuement détaillé ses traits. Il a une physionomie très agréable, des manières simples et franche, ainsi qu'une amusante manière de parler. Si je n'avais pas malencontreusement entendu sa conversation auparavant, je m'y serais également laissée prendre. Il m'avait tant offensé que je n'eus aucun scrupule à le refuser. Je lui répondis très exactement ces mots : « Pour votre bien, Monsieur, il me faut décliner cette proposition. Car, ne pensez-vous pas qu'il y aurait quelque imprudence à danser avec la créature la plus maladroite d'Angleterre ? ». Je produisis par ces paroles un certain effet, puisque je le vis sous mes yeux pâlir et perdre toute contenance. Sans lui laisser le temps de se justifier, je tournai les talons. Oh, à ce moment là, je sentis mes joues s'empourprer, et pourtant, quel excitation ! Après cela, je peux être certaine que jamais plus je n'aurai le malheur d'avoir affaire à lui !

Au moment où je vous écris, ma soeur aînée et son époux sont déjà repartis. Je dois avouer que cette chère Margaret me manque, malgré l'adoration qu'elle voue à un si triste personnage.

J'ose espérer que tout s'est arrangé pour vous. Répondez-moi vite afin de me rassurer, ou du moins, de me donner de vos nouvelles.

Avec toute mon affection,

Fanny.