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28 juin 2011

Troisième lettre de Frances à Constance



Ma chère Constance,

Votre lettre a provoqué en moi une forte indignation. J'imaginais cette Emily futile et vaine, et voilà que je la découvre vile et calculatrice ! Cette demoiselle s'avère en tout point absolument indigne d'être la femme d'un gentleman tel que votre frère. Je ne peux que vous féliciter d'avoir rendu son caractère public et je ne comprends guère le mécontentement de mon oncle, qui au contraire aurait dû vous féliciter et vous remercier plutôt que vous blâmer. Après tout, qu'en aurait-il été le jour où cette affaire aurait été connue si votre frère et cette indigne créature avaient été fiancés ? Je n'ose imaginer l'humiliation qu'il aurait eu à essuyer. Vous avez en cette circonstance fait preuve d'un grand courage et prévenu mon cousin d'une union des plus malheureuses. Je lui sais gré de la reconnaissance qu'il a su vous témoigner. 

Emily en revanche mérite tous les reproches possibles. Après que son ignoble comportement eût été rendu public, toute autre jeune fille se serait retirée de la société pour dissimuler sa honte. Mais venir jusque chez vous, vous faire des reproche et ensuite se venger ! C'est avoir là bien peu d'honneur. Et la manière dont elle a agi à votre encontre est des plus méprisables ! Oser tenter d'attenter à votre honneur, à votre réputation ! Quelle bassesse ! Quand à cet homme si indigne, comment a-t-il osé vous traiter ainsi ? Bien que je ne sois guère supportrice de démonstrations de violence, je salue vos frères, qui ont su donner une bonne correction à ce malotru et laver votre honneur. En ce qui concerne cet inconnu qui a su voler à votre secours, j'espère qu'il vous sera donner de le revoir et d'apprendre qui il est. Je vous avoue que ce mystérieux gentleman excite ma curiosité, car pour venir ainsi en aide à une demoiselle, il ne peut s'agir que d'un gentleman. Peut-être vous sera-t-il possible à vous, ainsi qu'à vos frères, d'enquêter sur la question. 

J'aimerais vous rassurer au sujet de votre réputation actuelle. Comme vous le dites si bien, il est préférable que l'on vous croit intouchable plutôt que perdue. Je ne connais que bien peu la vie de Londres, mais il me semble que de nombreux potins y circulent chaque jour. Ainsi, n'est-il pas probable que cette malheureuse affaire soit rapidement oubliée en société puisqu'il n'y a pas eu faute de votre part ? Comme j'aimerais être à vos côtés pour mieux vous réconforter !

De mon côté, les perspectives ne sont guère meilleures. J'ai cependant eu le plaisir de remporter une petite victoire sur cet épouvantable Mr Temple. Je savais d'ores et déjà que je serais amenée à le rencontrer dans un cadre plus officiel. En effet, le retour de Père a été le prétexte d'une invitation de la part de Lady Sheldon et de son fils à une petite réception. Toute notre famille y a été conviée, à l'exception de Nora, encore bien trop jeune pour assister à ce type de réunion. Cela était l'occasion pour ma soeur et son mari de profiter de la société du Devonshire une dernière fois avant de repartir – Par ailleurs, il me faut vous préciser que Mr Robertson est apparu étonnamment changé et agréable depuis le retour de Père – Vous devez vous douter que la simple idée de cette soirée me rebutait. Par souci de ne pas troubler la paix du voisinage, je n'avais parlé de ma mésaventure à personne d'autre qu'à vous, ma chère cousine.

Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, il y avait heureusement suffisamment de nos connaissances pour que je puisse éviter Mr Temple. En revanche, je ne pus éviter les remarques qui étaient faites à son sujet, toutes très élogieuses. Il semblait être aux yeux de tous amusant, plein d'esprit et d'une extrême amabilité. On regrettait sincèrement qu'il n'ait pas davantage de fortune, sans quoi il aurait été un parti très souhaitable. Tous nos voisins auraient-ils donc perdus la raison ? Voilà la question que je me posais. J'en étais là de mes réflexions lorsque Lord Henry me salua et insista pour me présenter son cousin. Je fus certes contrainte de lui répondre par obligation, mais je montrai avec soin par ma froideur et mon détachement que je n'en prenais nul plaisir. Ce détestable personnage le remarqua puisqu'aussitôt, son sourire radieux s'évanouit. Je fus bien aise de voir qu'il comprenait que je n'étais pas dupe de ses belles manières.

Je m'éloignai rapidement sous un quelconque prétexte, imaginant en avoir fini pour la soirée avec cet homme odieux. Malheureusement, je n'étais pas au bout de mes surprises. Une fois que l'heure fut avancée, certaines personnes dans l'assistance exprimèrent le désir de danser, suggestion qui fut unanimement approuvée, y compris par moi – vous savez à quel point j'affectionne la danse – Miss Bloom, une jeune demoiselle que je me plais à fréquenter et qui possède un grand talent pour la musique, s'installa au pianoforte et entama une mélodie au rythme enlevé. Lord Henry, malgré sa préférence pour les jeux de cartes, m'invita à danser. Il n'était certes pas le partenaire dont je rêvais, mais le refuser pour danser avec un autre eut été bien trop grossier. Je découvris d'ailleurs en lui un partenaire tout-à-fait acceptable. Mais lors de la danse suivante, à ma grande surprise, je reçus une invitation de Mr Temple. Voyez-vous, chère Constance, j'ai longuement détaillé ses traits. Il a une physionomie très agréable, des manières simples et franche, ainsi qu'une amusante manière de parler. Si je n'avais pas malencontreusement entendu sa conversation auparavant, je m'y serais également laissée prendre. Il m'avait tant offensé que je n'eus aucun scrupule à le refuser. Je lui répondis très exactement ces mots : « Pour votre bien, Monsieur, il me faut décliner cette proposition. Car, ne pensez-vous pas qu'il y aurait quelque imprudence à danser avec la créature la plus maladroite d'Angleterre ? ». Je produisis par ces paroles un certain effet, puisque je le vis sous mes yeux pâlir et perdre toute contenance. Sans lui laisser le temps de se justifier, je tournai les talons. Oh, à ce moment là, je sentis mes joues s'empourprer, et pourtant, quel excitation ! Après cela, je peux être certaine que jamais plus je n'aurai le malheur d'avoir affaire à lui !

Au moment où je vous écris, ma soeur aînée et son époux sont déjà repartis. Je dois avouer que cette chère Margaret me manque, malgré l'adoration qu'elle voue à un si triste personnage.

J'ose espérer que tout s'est arrangé pour vous. Répondez-moi vite afin de me rassurer, ou du moins, de me donner de vos nouvelles.

Avec toute mon affection,

Fanny.

2 commentaires:

  1. J'imagine, si, la créature la plus maladroite d'Angleterre était tombée après sa répartie vengeresse !

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  2. Heureusement non, ça aurait détruit tout l'effet^^

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