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25 mai 2011

Seconde lettre de Frances à Constance

                                 Ma chère cousine,

J'ai attentivement lu votre lettre, et plus particulièrement la description de ces deux soeurs que vous avez reçues en votre demeure. Bien que je n'ai auparavant jamais entendu leur nom, j'ai une foi totale en votre jugement, et j'ai peine à croire que James puisse faire un tel choix. Lorsque vous comparez ces deux jeunes filles l'une à côté de l'autre, il semble impossible de s'y tromper. Sans doute les hommes sont-ils moins prompts que nous à percevoir ces choses là. Quoiqu'il en soit, jouer les marieuses m'apparaît dans le cas présent indispensable. Je comprends parfaitement que ce rôle puisse vous paraître déplaisant, mais le bonheur de votre frère en dépend. L'union matrimoniale est une entreprise bien trop sérieuse pour prendre de tels risques et je ne cesse de me demander ce qui a bien pu motiver votre frère pour porter ses vues sur une telle créature. Sont-ils déjà officiellement engagés ou existe-t-il encore quelque espoir de lui ouvrir les yeux ? Ah, chère Constance, comme je partage vos craintes ! Que je regrette de ne pouvoir me trouver à vos côtés afin de mieux vous venir en aide. 

Vous m'interrogez au sujet de ma soeur et de son mari. Le lendemain du jour où je vous écrivis ma précédente lettre, nous reçûmes une missive de Mrs Robertson, dans laquelle elle s'excusait,  expliquant qu'elle et son mari ne pourraient voyager qu'une semaine après la date prévue, la mère de mon beau-frère étant souffrante. Nous en fûmes bien déçues, mais avons finalement pris notre mal en patience. Je vous avoue que si j'avais envie de revoir ma soeur, son époux en revanche n'excitait pas chez moi le moindre intérêt. 
Le matin de leur arrivée, j'ai immédiatement su que Mr Robertson était aussi exécrable que dans mon souvenir. Parce que Père était absent – Il en a en effet une grande peur – il s'est comporté avec plus de suffisance que je ne lui en avais vu jusque là, comme si être le seul homme présent le rendait supérieur à nous toutes. Margaret, assise à ses côtés, le contemplait avec une adoration qui frisait le ridicule. Comment a-t-elle pu accepter de s'encombrer d'un tel mari ? J'appréhende le jour où elle ouvrira les yeux sur le véritable caractère de son époux. Mais je me console en songeant qu'elle n'a jamais été d'un tempérament romantique et que la vie domestique semble lui convenir à merveille. Nous nous sommes longuement entretenues au cours de promenades quotidiennes, et elle m'a semblé parfaitement heureuse. Je regrette cependant que ses conversations ne traitent, pour la plupart, que de son époux ou de mondanités auxquelles elle participe. Est-ce là tout le bonheur auquel une femme peut aspirer une fois mariée ? Voilà qui me fait paraître mon propre avenir bien sombre.

Leur séjour parmi nous a cependant eu un avantage, celui de limiter les visites de Lord Henry et de sa chère mère. Cependant, il semblerait que Margaret se soit entendue avec notre tante Brown pour m'entretenir de ce qui pourrait être mon futur mariage ! Moi qui avait espéré que l'absence de Père m'autoriserait un peu de liberté, j'ai été bien déçue. Elle n'a cessé de me vanter les multiples avantages que l'on pourrait tirer d'une telle union. J'ai eu beau tenter de lui expliquer qu'il ne me conviendrait jamais, elle ne m'a pas écouté un seul instant. À ce propos, je vous remercie, chère cousine, de tous ces efforts que vous avez déployés pour moi. Malheureusement, j'ai bien peur qu'ils ne soient sans effet. J'ai beau me montrer réservée, et même presque froide en sa présence, il semblerait les rares fois où nous nous sommes vus, que Lord Henry ait au contraire redoublé d'attentions à mon égard. Les quelques fois où nous l'avons croisé, il aurait fallu être sot pour ne pas le remarquer. Vous devez vous douter qu'il m'est devenu difficile de jouer l'ignorance. Je sens plus que jamais que le moment où il me fera sa demande se rapproche. Mon unique consolation est de savoir Père à Londres, car il est le seul à pouvoir accorder son consentement. Mais je dois vous avouer qu'il m'arrive de plus en plus de douter de mes résolutions. Ma soeur n'aurait-elle pas raison de me suggérer ce mariage ? Après tout, comme elle le dit si bien, ma jeunesse ne durera pas toujours, et je ne trouverai guère mieux qu'un Lord. Il me semble que je m'égare et je ne sais plus que penser. Il n'y a qu'en votre jugement que je puis avoir une pleine et entière confiance. 

Je vous le confesse, en lisant votre lettre, j'ai envié ce bal si animé auquel vous avez participé. En effet, en comparaison, nos soirées semblent bien moroses, du moins de mon point de vue. Mr Robertson ne cesse de conter les moindres détails de ses affaires, espérant chaque fois faire exalter son propre mérite. Même ma tante Brown semble lasse de ses récits. Afin de nous distraire, nous avons avec Nora entrepris l'écriture d'un conte qu'elle illustre de ses dessins. Le résultat n'en sera peut-être pas digne d'éloges, mais cela a le mérite de tromper notre ennui. Quoiqu'il en soit, je suis bien désolée que votre soirée se soit avéré loin de ce qui vous avait été promis. Je suppose que lorsque l'on nous vante trop quelque chose, cela devient obligatoirement une déception. Néanmoins, il vous reste la consolation d'avoir fait de nouvelles et intéressantes connaissances.

Ma jeune soeur m'appelant pour notre promenade quotidienne, je dois à présent vous quitter, chère Constance, et j'attendrai avec impatience votre prochaine lettre.

Avec toute mon affection,

Fanny Sainsburry

Post Scriptum : En partant en promenade, j'avais laissé cette lettre telle quelle, prévoyant de la cacheter et la faire expédier après mon retour. Mais, durant cette dernière heure, il s'est produit une chose si désagréable que je ne puis résister à la nécessité de vous l'écrire. Voyez-vous, j'ai omis d'évoquer Mr Temple, un cousin de Lord Henry, dont Lady Sheldon attendait la visite. Nous ne savions que bien peu de choses à son sujet, si ce n'est qu'il se destine à entrer dans les ordres. Or, alors que nous marchions, mon chapeau fut emporté par une forte bourrasque.

Je demandai à Nora de m'attendre, et descendit parmi une rangée d'arbres pour le retrouver. Au moment où je le ramassai, j'entendis les voix de deux hommes qui marchaient dans ma direction et je reconnus l'une d'elle pour être celle de Lord Henry. J'eus alors le réflexe de me dissimuler derrière un arbre. Malgré ma réticence à écouter leur conversation, je ne pus m'empêcher de les entendre. Le gentleman qui m'était inconnu semblait assez jeune, et il ne me fallut que peu de temps pour comprendre qu'ils s'agissait du fameux Mr Temple.

Tous deux semblaient particulièrement animés, ce qui m'étonna de la part de Lord Henry, que je n'avais encore jamais entendu rire. Alors que je me décidai à faire demi-tour pour ne pas en entendre davantage, la voix du nouvel arrivant parvint jusqu'à mes oreilles, prononçant une phrase qui restera sans doute gravée dans ma mémoire et qui fut très exactement celle-ci : « Mon cher cousin, j'ai appris de source sûr que vous comptiez épouser la créature la plus maladroite d'Angleterre ! », et le tout prononcé du ton le plus badin. Lord Henry a pris ma défense, bien que mollement, et je lui en sais gré. Est-il besoin de vous dire à quel point ces paroles m'ont choquée ? Moi qui fait pourtant toujours preuve de courtoisie à l'égard de tous, je puis vous assurer que je ne me donnerai nullement cette peine avec un individu si méprisable lorsqu'il me sera présenté !

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