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5 mai 2011

Seconde lettre de Constance Montgomery à Frances Sainsburry


Ma très chère Fanny,

Votre lettre m’a plongée dans l’angoisse. Aussitôt, j’ai imaginé les plans les plus décousus pour essayer de vous sauver de la piètre situation dans laquelle vous êtes. J’ai expressément demandé à père que vous veniez passer quelques temps à Londres avec moi, et j’ai eu beau me montrer la plus aimable et la plus convaincante possible, allant jusqu’à dire qu’avec vous, les bals me seraient très attrayants (imaginez jusqu’où j’étais prête à aller !), rien n’ y a fait.

Je suis désolée de vous dire que j’y vois là l’œuvre de nos deux pères réunis. Ils se sont, semble t-il, unis en une association de circonstance que je qualifierais de malfaiteur s’ils n’étaient pas des gentlemen, pour nous conduire tout droit vers le lieu maudit qu’est l’autel ! Moi qui me réjouissais d’avoir revu mon oncle, voila que ma joie est bien gâchée. J’ai bien sûr était ravie de le voir en bonne santé, et de pouvoir lui remettre quelques présents pour votre sœur et vous, mais je déplore qu’il s’entende si bien avec père au sujet du mariage.

Après ce premier plan sans succès, je me suis renseignée sur votre fameux lord Henry, et je crains qu’il ait une réputation sans tâche. Mais ne vous inquiétez pas, Edward et Nathaniel s’allient à notre cause, l’un par amitié, l’autre par ennui, et ils vont tenter d’enquêter un peu plus en profondeur si cela est possible.

J’ai également imaginé que nous aurions pu faire courir des rumeurs sur vous, ou sur votre prétendant, mais dans les deux cas, les conséquences pourraient être fort fâcheuses. Si elles étaient sur vous, vous vous seriez privée de la possibilité, certes réduite, de faire un mariage d’amour, et si elles portaient sur Lord Henry, et que ce jeune homme s’avère vraiment n’être qu’ennuyeux et compassé, ce serait peut être trop cruel envers lui. J’avoue que je suis très honteuse de ne pouvoir vous aider davantage, mais nous autres femmes avons les mains liées…

J’en viens à l’autre point qui a retenu mon attention dans votre charmante lettre. Votre sœur aînée. Je n’avoue avoir que peu de souvenirs d’elle puisqu’elle était bien souvent absente quand je vous ai rendu visite. Néanmoins, je m’étonne des banalités que vous a révélées sa lettre. Aurait-elle quelque chose à vous cacher ? Essaierait-elle de vous ménager en ne vous parlant que de choses du commun ? J’espère que tout cela ne cache pas un malaise profond, et que votre sœur n’est pas non plus devenue une personne sans intérêt qui ne parle que de fêtes et de banalités dans ce genre. Son séjour vous en apprendra plus sur la question, le doute n’est pas permis, et peut être que sous couvert de passer plus de temps avec votre soeur vous pourrez échapper un peu à votre prétendant.

Mais voici la partie de la lettre qui me répugne le plus. Parler d’Emily. Vous savez que je devais rencontrer la possible fiancée de James.

Je la recevais pour le thé, dans le petit salon que nous réservons aux amis les plus intimes, et elle vint accompagnée de sa sœur cadette Iris.

Je vous brosserais d’abord un portrait physique des deux demoiselles avant de vous parler de leur caractère. Emily est une délicate et frêle créature aux cheveux blonds et bouclés, et aux joues artificiellement roses.(Quand je l’embrassais, j’éternuais à cause de l’odeur poudrée qui se dégage de son visage) Elle a la taille très fine, et à la difficulté qu’elle avait parfois à respirer, je soupçonne qu’elle porte son corset trop serré par coquetterie. Elle semble affectionner les tenues très élaborées, et sa robe croulait tellement sous les fanfreluches que s’en était presque indécent. Ses poses sont affectées, elle use souvent d’un éventail malgré la fraicheur de la saison et il n’y a rien de naturel en elle. Chacun de ses mouvements est dûment pensé, réfléchi, et je l’imagine très bien s’entraîner devant le miroir jusqu’à parvenir à un résultat satisfaisant.. Il y a quelque chose de très vain qui se dessine de sa personne, et si les hommes doivent volontiers succomber, je gage que toute femme un peu subtile devine rapidement son caractère (Dois-je préciser que mon frère me déçoit?). Sa sœur, elle, est une très jolie fille, pas d’une beauté commune certes, mais ses cheveux châtains ont de jolis reflets blonds, elle a les yeux plus bleus qu’Emily et son visage est tout en douceur. Plus discrète dans son habillement elle est néanmoins élégante et raffinée. Ses manières sont franches, mais aimables, et elle semble être plutôt accomplie, bien que j’apporte peu d’importance à la capacité de broder divinement bien ou d’être virtuose au piano.

De par ma description, vous aurez tout de suite compris quelle sœur des deux je préfère. J’ai tout de suite adopté Iris, que j’aimerais avoir comme amie, mais pour Emily, c’est une autre histoire. Elle ne s’est jamais enquis de mon frère et quand il est venu nous faire une petite visite, c’est le visage d’Iris qui s’est illuminé, et non celui de sa sœur. Je soupçonne que l’intérêt d’Emily soit purement stratégique, et au vu des relations froides que j’ai cru deviner entre elles deux, elle doit ajouter un peu de méchanceté envers sa sœur en conquérant mon frère. Si Iris n’était pas intéressée par James, il me semble qu’Emily ne le serait pas non plus. Bref, l’avoir comme belle sœur me semble impossible, et je vais m’efforcer d’ouvrir les yeux de James là-dessus.

Peut être ais-je la fâcheuse manie de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais je ne voudrais pas que mon frère, une fois marié, se rende compte qu’il a épousé la mauvaise sœur, et qu’il soit malheureux toute sa vie. James est un homme trop entier et honorable pour tromper sa femme, qui qu’elle soit, et je crains qu’il se dirige vers une vie amère s’il continue dans cette voie. Voilà que je vais bien être occupée ces prochains jours, entre me soucier de vous et de Lord Henry, et tenter de ramener mon frère à la raison… En outre, puisque ma mère n’est plus de ce monde, et malgré le fait que mes frères soient plus âgés que moi, je me sens le devoir de jouer son rôle auprès d’eux.

Comme je le craignais, avec mon retour à Londres, je me dois d’assister à des bals, et comme la saison vient de reprendre après la pause pascale, j’ai fait mon entrée dans le monde. J’avais été présentée il y a quelques mois à la cour, mais j’avais jusque là eu le privilège d’éviter le reste des mondanités grâce aux événements que je vous contai dans ma première lettre.

Pour mon premier bal, père m’a remis les bijoux de mère, et à voir son air si ému, je n’ai pas pu m’empêcher de me promettre de bien me comporter cette fois au moins. Aussi ais-je été la plus sage et la plus obéissante des filles. Je me suis laissé habiller et coiffer comme une poupée par ma domestique, et j’ai suivi sans rechigner mes frères et leurs amis, tandis que Père, qui ne goûte pas les mondanités, nous regardait partir avec émotion. Suis-je aussi horrible que cela en ne voulant pas lui faire plaisir et en aspirant à vivre ma vie comme je l’entends ? Je me demande parfois si je ne suis pas un monstre d’ingratitude.

Les amis de mes frères sont à leur image, ceux de James sont sérieux et désireux de fonder une famille, et ils n’ont pas passé la soirée entre notre compagnie, ceux d’Edward sont plutôt infréquentables, ou du moins, m’a-t-il dit « Je vous estime trop ma chère sœur pour laisser un de ces goujats vous approcher . » Je crois qu’ils doivent être débauchés… Non, de tous les gens que je côtoyais, j’appréciais le plus la compagnie de Miss Saint James et de son frère William, le meilleur ami de Nathaniel. Miss Saint James est une lettrée, et ne fréquente les bals que pour, selon elle, étudier le comportement de ses contemporains. Quant à son frère, il est réservé, mais aimable et intéressant, et m’a traité comme si j’étais un vieil ami, et non pas une jeune fille à marier, ce que j’apprécie tout particulièrement. Nous avons eu des conversations passionnantes sur les romans à la mode, et sur la bêtise de certaines règles de la société.

Pourtant, il a bien fallu que je danse, et mon carnet de bal fut bien vite rempli, à mon grand étonnement. Il semble que l’attrait d’une nouvelle personne, même à Londres qui regorge de jeunes filles esseulées, soit des plus forts. Aussi, ais-je subi les ineptes conversations qui semblent être le commun des danseurs, et ait fait la connaissance de beaucoup de célibataires en mal d’épouses. Je songe à écrire à ma tante de venir avec ses filles, elle devrait trouver facilement à les marier, et avoir encore plus de concurrence me serait un plaisir certain.

Voilà ma chère cousine, j’ai vécu les vertiges d’une soirée, et je crains de vous dire que je ne suis pas digne d’une héroïne et que nul jeune homme n’a fait la conquête de mon cœur. Ils se ressemblent tous à mon sens. Discutant de choses insipides, faisant des compliments dénués de sincérité et tournés toujours pareillement, à croire qu’ils sont tous sortis du même moule… Je suis un peu déçue je crois, et je dois paraître bien amère, mais il me semble qu’une infime partie de moi espérait quelque chose de cette fameuse entrée dans le monde dont on me parlait tant.

Alors certes, je n’ai pas eu l’occasion de fréquenter tous les Lords de Londres, et comme me l’a dit Iris, à qui je racontais le lendemain ma déconvenue alors que nous nous promenions au parc, il me reste encore beaucoup de familles avec qui lier connaissance. Cette fille me semble être une grande naïve dans l’âme, et m’a dit être persuadée que chacun a une personne qui lui est destinée. Pense t-elle que James l’est pour elle ? Je n’ose lui poser de questions à ce propos, mais je me suis promis si cela se révèle être vrai, de tout faire pour qu’il finisse par l’aimer en retour.

Me voilà prête à jouer les marieuses, moi qui ait toujours méprisé celles qui le font ! La vie vous joue des tours bien pendables…


Je vous abandonne sur ces mots, chère Fanny, en souhaitant que ma lettre vous trouve, vous et vos proches, en parfaite santé.


Avec toute mon affection,


Constance.




4 commentaires:

  1. Je vois que Miss Constance est une petite coquine ! Je préfère Iris moi aussi !!!
    C'est une très belle lettre, pleine de vie.

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  2. Il est vrai que Constance a un petit côté indiscipliné !
    Merci pour le compliment :)

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  3. Oh pauvre Iris... Il faut absolument faire quelque chose pour elle!!

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  4. Pauvre Iris et pauvre James, j'espère que ce mariage ne se fera pas !

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