Lettre I

À Paris, le 10 avril 1860.

Mrs Strong,

Je me permets de vous écrire sous la pression de ma tendre sœur Rose. Ses caprices sont rares mais impossible d'y résister !

Je me présente donc, Isidore Dutilleul, pour vous servir. Je suis le frère ainé et unique de Rose, que vous connaissez sous son nom d'épouse De Champignac. Un mariage heureux aux côtés de ce fantaisiste moustachu Gustave. Deux âmes passionnées faites à n'en pas douter pour se rencontrer...

Bref, c'est ainsi que rentrée de son dernier voyage au royaume britannique, elle m'a longuement entretenu à votre propos. Insistant suffisamment pour piquer ma curiosité à l'encontre de votre personnage qu'elle qualifie d'absolument incontournable pour tout cercle qui se veut cultivé. Me voici donc en train de prendre la plume afin de faire mieux connaissance avec vous que la vie a oublié de ménager par le passé dirait-on...

Qu'aimez-vous ? Quels arts et littératures ont le don de vous enthousiasmer ? Pour ma part, j'aime découvrir et apprendre continuellement. Je me nourris de cela et prends même un plaisir certain à partager mes coups de cœur au travers des chroniques que je rédige au gré de ma vie pour les journaux. Car nous sommes au siècle de la presse, partout les imprimés se diffusent à Paris comme en province !

Ces derniers temps je me suis consacré à la lecture des contes macabres d'Edgar Poe qui ont été traduits par Charles Baudelaire. Je suppose que vous n'êtes pas restée insensible aux remous qu'a créé le procès des Fleurs du Mal... Avez-vous eu l'occasion de lire ce recueil et qu'en avez-vous pensé ? Il a pris une place non négociable dans ma bibliothèque. Certains de ses propos sont, à mon sens, mal reçus car sans doute en avance sur notre époque et j'espère qu'ils trouveront écho dans les générations à venir.

Je vais devoir vous laissez pour profiter des derniers rayons de soleil pour me dégourdir les jambes dans un parc. Une habitude de provincial que de ne passer une journée sans marcher mais, ma foi, je pense qu'elle ne porte pas à mal...

J'espère que ma lettre trouvera en vous un accueil chaleureux et sera suivie très bientôt de vos nouvelles.

Isidore.