
Torshaven, 10 Avril 1850
Mon cher Matt
Comme je fus heureux de te retrouver à Paris avant de partir pour cette expédition pendant laquelle je ne verrais ni ma famille ni mes amis durant une année .
Je fus d’autant plus heureux que tu m’ accompagnas jusqu’à Cherbourg où je devais embarquer
Quels délicieux moments avons-nous passés à converser comme nous le faisions si souvent en Angleterre. Tu le sais , je te considère comme mon jeune frère, il n’ y a aucun interdit dans nos conversations et nous pouvons nous dévoiler tous nos états d’âme.
Après ton départ, je ne tardai pas à rencontrer l’équipe scientifique qui partagerait mon voyage, Monsieur Martin sera le chirurgien du bord et cumulera ses fonctions en étant aussi, zoologiste médical , c’est un homme élégant aux allures raffinées. Monsieur Renard quant à lui est minéralogiste et botaniste, il est de petite taille, assez rondelet, au visage avenant.
Tout de suite, nous trouvâmes un vif intérêt à converser et un mélange d’excitation et de fébrilité nous envahit. Nous passâmes un charmant après-midi et toute une soirée à deviser à l’Auberge du port. Dans la soirée, nous retrouvâmes notre capitaine, Monsieur de Kermakal, un homme à l’allure imposante et sévère.
Après une nuit réparatrice, Monsieur de Kermakal revint nous chercher et nous convia à monter à bord du canot pour rejoindre la goélette l’ »Eider » déjà prête à lever l’ancre.
A bord du bâtiment, il y avait tout un armement, fusils, pistolets, coutelas, cors de poudre (certainement pour les canons), haches d’abordage, sabres et même ces gros fusils à bouche évasée que l’on nomme espingoles ; y était également entreposés six mois de vivres et divers objets dont l’usage était certainement, destiné à remplacer d’autres défectueux. Tout le matériel nécessaire à notre expédition était déjà là.
Nous investîmes nos quartiers et découvrîmes notre couche qui se résumait à un hamac suspendu aux lambris de la goélette.
L’équipage est constitué du capitaine-commandant , d’un second M Mathias ,de trois autres officiers , d’un commissaire de marine, d’un chirurgien et de l’équipage comptant pas moins de 76 hommes, presque tous recrutés parmi les meilleurs marins pêcheurs de morues sur les côtes d’Islande.
Chacun des matelots reçu en paquetage de grandes bottes de pêcheurs, d’amples cabans à capuchons et même des gants en drap
Mercredi 7 avril : 9 h 30
L’Eider appareille enfin et nous partons vers le Nord par les côtes Est de notre bonne vieille Angleterre. Nous remontâmes jusqu’au nord de l’Ecosse et filâmes 7 à 8 nœuds. Nous passâmes « le trou » au large du cap Dunnet Head et des Orcades .
Le lendemain matin nous reçûmes quelques grains, la mer fut très agitée ; elle fut grosse toute la journée.
Le tangage et le roulis de la goélette me plongea dans un état nauséeux. Je préférais rester au fond de ma couchette, n’étant pas assez marin, je ne souhaitai pas être enlevé par une lame.
Dans la soirée, nous abordâmes les Iles Féroes où nous débarquâmes dans le port de Torshaven,
Après les moments difficiles que je venais de vivre, je ne fus pas mécontent de mettre pied à terre, je profitai de l’aubaine et allai me promener sur les quais.
Le lendemain nous visitâmes le port et le voisinage. Les maisons en bois sont recouvertes d’un toit végétal constitué d’une couche d’écorce de boulots, de tourbe et d’herbe. Il est certain que ces constructions qui se noient dans le paysage, doivent être très résistantes aux frimas de l’hiver, pourtant je me pose une question, pour un endroit où il n’y a aucun arbre, toutes les habitations en sont constituées.
Dans l’après-midi, nous empruntâmes des chevaux pour visiter l’ile sur laquelle nous nous trouvions. L’archipel des Féroés, « l’ile aux moutons « en vieux norrois, , est constitué de17 iles principales¸ Ce ne sont que des rochers sauvages , sans aucun arbre, constitué de tourbe et de houille. Pourtant l’élevage des moutons y est très développé malgré la rigueur du climat. L’abondance des Eiders leur permet également d’exporter l’ « édredon » que nous apprécions tant dans nos contrées
7000 habitants, sous contrôle du Royaume du Danemark, se partageant ces terres rudes souvent plongées dans le brouillard ou sous la pluie, balayées par des vents parfois si violents qu’aucun bâtiment ne peut accoster pendant des mois.
Du point de vue géologique, les Féroes, dont les premières prospections, n’ont commencé qu’en 1820, sont au centre de débats entre Neptunistes qui prônent la formation de la croûte terrestre par précipitation de sédiments dans un océan primordial couvrant toute la terre qui, en se retirant aurait laissé les continents et les Plutoniens qui pensent que les terrains ont été produits par l’action du magma souterrain.
Mais je ne vais pas t’importuner plus longtemps avec ces questions d’ordre purement géologique, je termine cette missive afin de la confier au service postal de l’ile car j’ai ouï dire qu’un bâtiment repart demain matin pour le Danemark.
Tu pourras m’écrire au bureau postal de Reykjavik en Islande où nous établirons notre camp de base pour toute la durée de l’expédition
Très affectueusement,
Franck

Le voyage commence de manière très intéressante, et la correspondance aussi ! Nul doute que Matthew aura été ravi de recevoir une missive aussi enthousiaste et instructive !
RépondreSupprimerSuperbe journal... Comme si j'y étais.
RépondreSupprimerCela promet d'être passionnant!!
RépondreSupprimerEn revanche, je ne sais pas si je suis la seule à le penser mais la police d'écriture a beau être très jolie, elle est difficilement lisible...
Une correspondance d'hommes, génial ! Beau style et belle lettre (mais la police, ouille pour les yeux, j'ai dû mettre mon écran en mode 180 %, genre vieille mémé myope !!!)
RépondreSupprimervoilà j'ai changé la police je pense qu'elle sera plus lisible.
RépondreSupprimermoins chic mais bien plus lisible en effet ! merci ! du coup, je vais la relire !
RépondreSupprimerQuelle culture ! Tu as fait des recherches ?
RépondreSupprimerJe suis contente de voir la lettre sur le blog =P
RépondreSupprimerJe recopie en ce moment la réponse, mais je pense changer prochainement de papier à lettre... Le stylo plume s'accroche après le papier =/
En tout cas, je ne dis rien de plus pour le moment *_* j'ai hâte de poster ma lettre, c'est tout !!!
Cela s'annonce mouvementé...
RépondreSupprimerC'est avec un vif plaisir que je vais suivre les aventures de cette expédition !
RépondreSupprimerpour répondre à la question de Liliba, je m'inspire surtout de mon expérience, j'ai effectué deux voyages en Islande il y a une trentaine d'années, et mon récit porte sur des évènements réels qui me sont arrivés, d'autres sont tirés de récits de l'époque, mais j'ai effectivement fait des recherches afin de re-situer ce récit par rapport à l'époque
RépondreSupprimerCette correspondance de voyage promet d'être passionnante, hâte de voir la suite :)
RépondreSupprimerCette correspondance a l'air passionnante, j'aime le style et le fond!
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